Partis politiques et syndicats critiquent le « mémorandum » de l’armée

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Après quarante-huit heures d’une crise politique à rebondissements, ouverte par l’échec du candidat du parti ex-islamiste au pouvoir à se faire élire, au premier tour de scrutin parlementaire, à la présidence de la République, la Turquie attendait, lundi 30 avril, de savoir si sa Cour constitutionnelle allait proposer des élections anticipées.

Tous les acteurs en présence – partis d’opposition, patronat et médias, mais aussi le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) – appelaient en tout cas, dimanche, à une « solution démocratique », en réaction à un communiqué de l’armée qui menaçait d’intervenir dans la crise, comme elle le fit quatre fois ces dernières décennies.

Vendredi, les députés de l’opposition avaient boycotté le premier tour du vote où le seul candidat, le ministre des affaires étrangères, Abdullah Gül, manqua de peu son élection par les deux tiers des voix nécessaires. Le principal parti d’opposition déposait alors un recours à la Cour constitutionnelle en arguant de vice de procédure, espérant faire annuler le processus d’élection menant à la victoire de « l’islamiste modéré » Gül – en tout cas au troisième tour, où une majorité simple suffit. Une telle invalidation mènerait à des élections anticipées.

« VÊTUES DE FAÇON RÉTROGRADE »

Mais une surprise est venue dans la nuit, quand l’armée a publié, sur son site Internet, un communiqué accusant le gouvernement AKP d’encourager des entorses aux principes laïques de la République de Mustafa Kemal Ataturk. Ce qui fut baptisé le « mémorandum de minuit » citait des cas tels un projet de concours de récitation du Coran en province le jour de la fête nationale des enfants – concomitance sacrilège aux yeux du kémalisme -, ou la mobilisation de fillettes « vêtues de façon rétrograde, récitant des prières à l’heure où elles auraient dû être au lit ».

L’état-major appelait chacun à « n’avoir aucun doute » sur sa détermination à « montrer son attitude lorsque cela sera nécessaire » contre « ceux qui exploitent les sentiments religieux du peuple et tentent de cacher leurs intentions réelles ».

Le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, a réuni au matin une dizaine de ministres et le chef des renseignements généraux pour décider d’une ligne de conduite. Exposée par son porte-parole Cemil Ciçek, ce fut l’autre grande surprise du jour : montrant une assurance que n’avait manifestée aucun gouvernement précédent, il a rappelé que l’état-major « reste sous les ordres du premier ministre » et qu’il est « inconcevable dans une démocratie » de le voir s’opposer au chef politique. Sans omettre d’accuser l’armée de faire pression sur la Cour constitutionnelle. Mais pour dédramatiser, le porte-parole ajouta que le premier ministre avait eu, durant sa réunion, une conversation téléphonique « bénéfique » avec le chef d’état-major.

Les réactions des partis d’opposition, alliés traditionnels de l’armée, furent aussi remarquables : loin d’applaudir son « mémorandum », ils ont souligné la nécessité d’une issue démocratique, sous la forme d’élections anticipées qu’ils appelaient d’ailleurs de leurs voeux depuis des mois. Nombreux furent les éditorialistes, syndicats et autres démocrates libéraux à condamner la sortie « honteuse » des militaires.

Dimanche, le candidat à la présidence Abdullah Gül, un « frère d’armes » du premier ministre, déclara « hors de question » qu’il puisse retirer sa candidature, tout en soulignant qu’il se soumettrait à la Cour constitutionnelle « qui prendra la décision juste ». Celle-ci a annoncé une réunion mardi et une possible décision mercredi, avant le deuxième tour de scrutin prévu le même jour.

Dans les milieux proches de l’AKP, on estimait, dimanche, recevable l’argument selon lequel ce parti, qui occupe près des deux tiers des sièges au Parlement alors qu’il avait obtenu, en 2002, moins d’un tiers des voix, ne doit pas prétendre imposer son candidat comme président – un homme qui doit être « au-dessus des partis ».

En soirée, la grande organisation patronale, la Tüsiad, déclarait « obligatoire de tenir rapidement des élections générales anticipées ».

Sophie Shihab

LE MONDE
Article paru dans l’édition du 02.05.07

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Author: raffi

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