Pénalisation du négationnisme : le triomphe de la justice

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C’est fait. Lundi 23 janvier le Sénat a ratifié la loi votée le 22 décembre à l’Assemblée nationale. Comme pour l’extermination des six millions de Juifs tombés lors de la Shoah, on ne pourra plus nier en France le génocide arménien sans risquer une forte amende et une peine d’un an de prison. Après la Suisse, la France devient ainsi le deuxième Etat au monde à adopter une telle législation. Elle donne l’exemple à l’Europe et montre la voie pour élever le seuil de tolérance à l’égard du fléau négationniste. Elle inflige de surcroit un terrible camouflet au négationnisme d’État de la Turquie qui n’aura plus droit de citer sur le territoire de la République.

Cette conclusion en forme d’apothéose d’un combat totalement inégale a quelque chose de miraculeux en regard des forces en présence. Il s’agit de la victoire inespérée du pot de terre contre le pot de fer, de David contre Golliath, du roseau contre le chêne. La justice a gagné, en dépit des menaces d’autorités turques mauvaises et vociférantes qui n’ont rien réussi d’autre qu’à montrer leur vrai visage sur la scène internationale. Elle a gagné, malgré le chantage commercial exercé sur la France, les mises en garde diplomatiques, les propos insensés du Premier ministre Erdogan. Elle a gagné, n’en déplaise à l’invraisemblable cabale médiatique enclenchée contre ce texte à partir des sophismes répandus par un quarteron d’historiens, pour reprendre le mot de Bernard-Henri Lévy dans Le Point. Elle s’est imposée, nonobstant l’acharnement de messieurs Adler, Badinter et Nora, la hargne et l’obstination militante, on ne peu plus suspecte, dont ils ont usé pour combattre cette loi. Elle l’a emporté contre toutes ces forces de toute nature et cette ruse aussi qui s’est déployée contre les Arméniens – car c’était tout de même un peu eux la cible, en particulier quand on leur tressait des fleurs pour mieux les enterrer. Contre cet incroyable mur d’ignorance, d’incompréhension, de mauvaise foi et d’hostilité, la justice a triomphé !

Il est encore sans doute un peu trop tôt pour envisager toutes les conséquences de ce vote. Mais on peut d’ores et déjà dire qu’en dehors de l’hommage qu’il représente pour les victimes du premier génocide par ordre chronologique du XXe siècle, qui n’ont que notre mémoire pour seule sépulture, et indépendamment de ce que cet acte de respect symbolise pour leurs descendants et les générations suivantes, cette décision du Parlement est grosse de multiples incidences politiques. En Turquie tout d’abord où l’Etat ne pourra pas échapper encore longtemps à une révision de son histoire et à l’inévitable examen de conscience qu’elle appelle. Si l’AKP d’Erdogan, qui a déçu tous ceux qui voyaient en lui une alternative possible au Kémalisme, ne se donne pas les moyens de changer très vite son fusil d’épaule, d’autres forces dans le pays se chargeront de lui demander des comptes. À trois ans de 2015, Ankara est plus que jamais au pied du mur. Soit la Turquie persiste à se faire complice du génocide, au risque de perdre tout crédit moral sur la scène mondiale, soit elle consent enfin à reconnaitre ses crimes et à ouvrir une nouvelle page de ses relations avec l’entité arménienne.

Pour l’Arménie également, cette décision revêt une importance primordiale. Encerclée par le blocus turco-azerbaïdjanais, cette loi brise au niveau international l’isolement qu’elle subit au plan régional. Elle met dans la lumière sa situation et convoque l’attention sur ce pays assiégé au fin fond du Sud Caucase, petit par sa surface et sa démographie, mais grand par son histoire et son courage.

Enfin, cette loi est à l’honneur de la France et elle s’inscrira comme un moment fort dans l’histoire des combats pour la justice.

Si la défaite est orpheline, la victoire a beaucoup de pères, et à l’heure de bilans il faut bien sûr remercier toutes les personnalités qui, indépendamment des politiques qu’on ne peut tous citer, ont rendu possible cette issue positive. Au premier rang d’entre elles se trouvent Bernard-Henri Lévy, Serge Klarsfeld et Yves Ternon. Des Turcs également, comme Ragip Zarakolu scandaleusement jeté en prison, Erol Ozkoray et tant d’autres militants des droits de l’homme.

Comment ne pas témoigner en cet instant aussi de la gratitude au PS qui, malgré le peu d’enthousiasme de ses élus au moment crucial du vote, en a tout de même permis le succès, se montrant ainsi cohérent avec ses engagements passés. Un cortège de prises de position qui ont jalonné les actes de justice pour le peuple arménien, et dans la lignée desquels continue de s’inscrire avec panache, constance et courage François Hollande son actuel leader.

Mais également, et sans doute surtout, comment ne pas remercier Nicolas Sarkozy, ce président de la République française qui a su non seulement trouver les mots qui touchent lors de son voyage en Arménie, mais qui les a mis en pratique jusqu’à rendre possible la prohibition du négationnisme, volet politique du génocide de 1915, sur le territoire national.

On ne peut l’oublier.

Bravo et merci à tous.

Cet article est également publié dans

La règle du jeu

raffi
Author: raffi

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