Petite encyclopédie du génocide arménien

Préface de Ragıp Zarakolu
Un siècle après, le génocide des Arméniens n’est plus « la Question arménienne », elle est devenue la « question turque ». Le peuple arménien n’est plus « la victime », elle est canonisée en tant que « martyr » grâce à une icône symbolique exposée pour la première fois à Etchmiadzine. Dans un sens, le peuple arménien a pu refermer ses sépultures spirituelles, ouvertes depuis cent ans.
Pardonner, se faire pardonner sont des notions essentielles. Cependant, comme le souligne Armen Sarkissian, la reconnaissance et l’apologie doivent précéder le pardon.
La négation du génocide a enfermé le peuple arménien dans le phénomène du génocide pendant un siècle. Au sens spirituel, cela signifiait la continuation du génocide, ainsi que la poursuite impitoyable de la tyrannie spirituelle.
À Etchmiadzine, l’État turc s’est trouvé seul face à son crime contre l’humanité. La négation de la réalité est évidemment une absurdité, mais même l’absurdité a une certaine logique, celle de verrouiller le problème. Il est même possible de concevoir le fait de faire obstacle pendant des décennies à l’éventuelle suite que constituent le pardon et l’indemnisation comme victoire. Mais il faut se demander à quel prix.
La négation du génocide est également une menace, tout d’abord par rapport à l’Arménie voisine et toute cette région. Mais également par rapport aux citoyens de la Turquie actuelle et à sa diversité identitaire.
Néanmoins, c’est l’État turc lui-même qui a transformé la réalité du génocide en affaire de sécurité nationale. Sous le gouvernement Ecevit/Bahçeli, la République de Turquie a entamé le xxie siècle en proclamant la lutte contre « les accusations de génocide » comme projet majeur du Conseil de sécurité nationale. Ainsi, la négation du génocide devient presque la clef de l’existence ou de la disparition de l’État turc.
Cependant, la République turque fait partie des premiers États à reconnaître et à signer la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations unies de 1948, avant même les États-Unis. Sans doute parce qu’elle considère l’affaire close. Mais, comme le dit un vieux dicton anatolien, « impossible d’enduire le soleil avec de la glaise ».
Mais quelle est la raison de cet entêtement ? L’effondrement des mythes fondateurs d’un État‑nation ? La peur d’affaiblir le nationalisme turc en lui donnant un coup mortel ?
Par ailleurs, bien qu’elle soit un État-nation centenaire, la Turquie n’a pas su régler sa question kurde. Tout comme le génocide des Arméniens, elle n’a pas su produire une politique autre que la négation. Elle a cru que la politique de négation allait réussir. Les Arméniens ont mis cent ans à essayer de prouver leur anéantissement et les Kurdes leur existence.
Pour les Kurdes, il est possible de considérer cela comme un châtiment de l’Histoire face au rôle qu’ils ont joué lors du génocide des Arméniens. Mais il est aussi probable que cela aurait aidé les Kurdes à comprendre la réalité bien plus tôt.
Au centenaire du génocide, il est déplorable de voir que les rescapés arméniens, assyriens et yézidis ont à subir une nouvelle extermination, cette fois-ci totale. Bien plus qu’une menace d’extinction, ce que les Yézidis ont subi a déjà été qualifié de génocide.

La rédaction
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