À l’initiative de Vahagn Avedian, Président du Conseil d’Administration de l’Union des Associations Arméniennes de Suède et Chef éditorialiste du site armenica.org , une pétition éditée en 10 langues, dont le Turc, est adressée aujourd’hui aux membres du Parlement suédois et à la presse afin d’influer sur une décision de la Commission des Affaires Étrangères Suédoise suggérant au Parlement et au gouvernement de rejeter les propositions de reconnaissance du Génocide des Arméniens de 1915.
Le rapport de la Commission, publié le 29 Mai 2008, se fonde sur les éléments suivants :
« Aucun examen particulier en ce qui concerne la situation arménienne n’a jamais été avalisé sous la forme d’une résolution de l’ONU, ni en 1985 ou en aucune autre occasion. »
« La commission comprend que ce qui a englouti les Arméniens, Assyriens, Syriens et Chaldéens durant le règne de l’Empire Ottoman aurait, selon la Convention de 1948, probablement été considéré comme un génocide, si elle avait été au pouvoir à cette époque. »
« Il réside un désaccord entre les experts en regard du cours des différents événements qui virent la dissolution de l’Empire Ottoman. Il en va de même pour les causes sous-jacentes et comment les agressions seront classifiées. »
La commission concluant de « la nécessité de poursuivre les recherches ».
60 experts et historiens, spécialistes de l’Holocauste, des études sur les Génocides et de la question arménienne, ont contre signé la pétition suivante dans le cadre de la procédure de vote qui se tiendra mercredi 11 juin 2008 au Parlement Suédois, et pour mettre un terme à l’abus dont se servent certains politiques, consistant, au nom de la science, de se défausser sur la question. Et par là-même se rendre complice du déni.
Jean Eckian
« Le Génocide arménien, qui engloutit également les Assyriens, les Grecs Pontiques et autres minorités de l’Empire Ottoman, a commencé il y a plus de neuf décennies en 1915, mais cette question est devenue de plus en plus urgente au fur et à mesure que la négation du crime continue. Le génocide, ou « extermination » comme il a été nommé par les médias internationales et les corps diplomatiques, a été un fait établi par la communauté mondiale. Pendant la brève période d’après guerre qui a suivi la défaite de la Turquie en 1918, jusque la montée du mouvement nationaliste turc conduit par Mustafa Kemal, l’élimination des Arméniens était discutée ouvertement. Les tribunaux de la cour martiale turque ont essayé d’impliquer des dirigeants politiques et militaires dans les « crimes de guerre » et les « crimes contre l’humanité ». Plusieurs des accusés furent déclarés coupables et condamnés à mort ou à des peines de prison à perpétuité. La Turquie d’après guerre est passée par une phase similaire à celle de l’Allemagne après la Deuxième Guerre Mondiale. Au cours de ces poursuites judiciaires, la vérité sur la persécution des minorités de l’Empire Ottoman fut mise en lumière avec d’horrifiants détails.
Le procès n’a pas duré longtemps, toutefois. L’ascension du mouvement nationaliste turc et le rejet du gouvernement du sultan conduisirent finalement à la dissolution des tribunaux et à la libération de la plupart des accusés. Presque toutes les populations chrétiennes restantes – Arméniens, Assyriens et Grecs – furent alors délogées de leurs millénaires terres natales. Une grande partie des données des tribunaux et des procès-verbaux disparut, et la Turquie entra dans une période de tentative d’effacer toutes les traces de l’existence des Arméniens en Anatolie et dans la plateau arménien historique de l’est.
Neuf décennies plus tard, ce qu’on appelait le soi-disant « génocide oublié » n’est plus oublié, et justifie l’attention croissante des cercles universitaires et politiques. On le voit comme le prototype du meurtre de masse du vingtième siècle, et il peut être considéré comme l’une des campagnes les plus réussies de négationnisme de génocide et de nettoyage ethnique de toute l’histoire. Les brimades des Arméniens s’étendirent aux populations assyrienne, grecque, Yézidie et même à la population kurde, qui fut soumise à une « machination sociale » au moyen d’un relogement forcé et d’une réinstallation. Comme par hasard, les autorités turques devinrent les bénéficiaires d’une « Arménie sans les Arméniens », et malgré les engagements internationaux et les promesses de condamner les exterminateurs, elles échappèrent à toute responsabilité pour le crime. Aujourd’hui, la Turquie met en uvre une campagne active de dénégation. Le silence et la passivité de la part de la communauté mondiale, y compris de la Suède, ne peut qu’aider cette campagne et s’en rendre complice. Tous les arguments relatifs à la nécessité de recherches supplémentaires, ou d’absence de consensus parmi les intellectuels sont sans fondement. Les archives de tous les principaux pays d’Europe ne laissent aucun doute sur la campagne d’élimination qui s’est produite sous le couvert du conflit mondial. Les arguments négationnistes sont tous motivés politiquement et n’ont rien à voir avec les rapports historiques. Ils ne sont pas plus crédibles que ceux des négateurs de l’Holocauste tels que Robert Faurisson, Davis Irving, Willis Carto, et Ernst Zündel.
Raphael Lemkin, qui inventa le terme génocide en 1940, et fut le principal auteur de la Convention des Nations Unies sur la Prévention et la Condamnation du Crime de Génocide, était profondément conscient de la calamité arménienne et de l’échec de la communauté internationale à intercéder ou du moins à condamner les auteurs du génocide. Les recherches récentes ont démontré combien il fut profondément affecté par l’absence de rouages efficaces internationaux pour intervenir à temps. Il était aussi troublé par la persécution et les massacres des Assyriens d’Irak parlant l’araméen dans les années 1930. Ce qui est pire, une recherche menée récemment à l’Université d’Uppsala confirme que la Direction des Affaires Etrangères de Suède et son Gouvernement, par les rapports de l’Ambassadeur Per Gutaf August Cosswa Anckarsvärd’s et de l’Attaché Militaire Einar af Wirsén, étaient bien au courant de l’élimination qui se produisait dans l’Empire Ottoman.
Aujourd’hui, la Suède est internationalement considérée comme la championne des Droits humains. Il incombe aux autorités suédoises d’être à la hauteur de cette réputation et de rejeter tout compromis avec le négationnisme et le déni. Le gouvernement suédois doit essayer d’aider la Turquie à devenir une meilleurs démocratie en affrontant son histoire et en reconnaissant la vérité, et non pas en continuant à tituber dans l’obscurité de son aveuglement et de ses simulations.
Aujourd’hui, les données et les informations sur le Génocide arménien sont si vastes qu’aucun politicien sérieux ne peut honnêtement citer une recherche insuffisante ou peu concluante comme excuse pour éviter la reconnaissance. Le refus de reconnaître le fait établi fondé sur une recherche qualitative et quantitative peut être considéré comme tentant pour le déni. Il n’y a pas non plus aucun fondement pour faire allusion au temps chronologique depuis le Génocide et à l’adoption de la Convention, puisque cela impliquerait que l’Holocauste non plus ne soit pas reconnu par la Convention. Les chercheurs ont fait leur travail en établissant la réalité du Génocide arménien. Maintenant, c’est au tour des dirigeants politiques de faire face à leur responsabilité en reconnaissant cette calamité pour ce qu’elle fut.
Les signataires de cette lettre ne considèrent pas qu’il y ait un doute quelconque sur le fait que les massacres des Chrétiens et autres minorités de l’Empire Ottoman au cours de la Première Guerre Mondiale aient constitué un Génocide. Même si la recherche doit et va continuer, l’information qui existe est convaincante et doit être reconnue comme telle. »
Traduction: Louise Kiffer
Signataires
Adam Jones Professeur associé, Sciences politiques, Université de Colombie britannique Okanagan
Åke Daun Professeur émérite d’ethnologie, particulièrement européenne, Université de Stockholm
Alex Grobman Président de l’Institut pour la Vie Juive Contemporaine et de l’Institut Brenn
Alexandre Kimenyi Professeur de Linguistique, d’Etudes Ethniques et de Langues Africaines à l’Université d’Etat de Californie, Sacramento
Alexis Herr Etudiant en médecine, Centre familial Strassler pour les Etudes sur l’Holocauste et le Génocide, Université Clark
Alfred Grosser Professeur émérite, Institut de Sciences Politiques de Paris, auteur de la préface à « L’Histoire du Génocide arménien, Paris, 1996
Alfred de Zayas Professeur de Droit international, Ecole de Diplomatie de Genève Avocat enseignant d’Université, retraité des Nations Unies, ex Secrétaire du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU ex Chef de la Division des Pétitions au bureau des Nations Unies, Haut Commissaire pour les Droits Humains Président du P.E.N. International, Centre Suisse Romande
Anatoly M. Khazanov Professeur d’Anthropologie Ernest Gellner, Université du Wisconsin-Madison
Anders Hultgard Professeur émérite d’Histoire religieuse, Faculté de Théologie, Université d’Uppsala, Suède
Bruno Chaouat Professeur associé de Français, Centre d’Etudes Juives, Université du Minnesota
Charles Eric Reeves Professeur de langue et littérature anglaises au Collège Smith de Northampton, Massachusetts
Christian P. Scherrer Professeur d’Etudes sur la Paix, Université d’Hiroshima, et Institut de la Paix d’Hiroshima, Hiroshima, Japon
Claude Mutafian Professeur associé de Mathématiques, et enseignant d’Université, à l’Université de Paris 13 , université de Villetaneuse licencié d’Histoire, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
David Gaunt Professeur d’Histoire, Södertörn Université Collège, Suède
Déborah Dwork Professeur éminente d’Histoire de l’Holocauste Directrice du Centre Strassler pour les études sur l’Holocauste et le Génocide, à l’Université Clark
Dickran Kouymjian Professeur d’Histoire, Directeur du Programme d’Etudes arméniennes, Université d’Etat de Californie, Fresno
Donald E. Miller Directeur administratif, Centre pour la Culture religieuse et civique, Université de Californie du Sud
Douglas Greenberg Professeur d’Histoire Directeur administratif, Institut de l’Histoire visuelle et l’éducation de la Fondation de la Shoah USC, Collège de Lettres, Arts et Sciences, Bibliothèque Leavey, Université de Californie du Sud
Elizabeth R. Baer Professeur d’Etudes d’Anglais et de Génocide, Collège Gustavus Adolphus à St Peter, Minnesota
Ellen J. Kennedy Directrice interim, Centre pour les Etudes sur l’Holocauste et le Génocide Coordinatrice du réseau d’intervention sur le génocide, Minnesota
Eric D. Weitz Professeur distingué de l’Université McKnight et Président de la Direction d’Histoire, Université du Minnesota
Ervin Staub Professeur de Psychologie et Directeur Fondateur du programme de licence de Psychologie de la Paix et de la Prévention de la Violence; émérite, Université du Massachusetts à Amherst
Franklin Hugh Adler Président de G. Theodore Mitau Professeur DeWitt Wallace, direction des Sciences Politiques, Macalester College
George Andreopoulos Professeur de Sciences Politiques, Directeur du Centre pour les Droits Humains au Collège John Jay de Justice Pénale, City Université de New York
Heidi Armbruster Chargé de cours, École des sciences humaines, Université de Southampton, Royaume-Uni
Helen Fein Directrice administrative de l’Institut pour l’étude du Génocide, associée au Centre Belfer pour les Affaires scientifiques et internationales à l’Ecole Kennedy du Gouvernement, Université Harvard
Herb Hirsch Professeur de Sciences Politiques et co-éditeur, Etudes et Prévention du Génocide L. Douglas Wilder Ecole du Gouvernement et des Affaires Publiques Université de Virginia Commonwealth, Richmond
Irving Louis Horowitz Rutgers, Université d’Etat du New Jersey Professeur émérite distingué de Sociologie et de Sciences Politiques à l’Université Hannah Arendt
James E. Young Professeur d’Etudes anglaises et judaïques, Université du Massachusetts
John K. Roth Professeur émérite de Philosophie d’Edward J. Sexton Directeur Fondateur, du Centre pour l’Etude de l’Holocauste, du Génocide et des Droits Humains Collège Claremont McKenna, Californie
Kirk C. Allison Directeur de Programme, programme des Droits Humains et de la Santé, Ecole de Santé publique, Université du Minnesota
Klas-Göran Karlsson Professeur d’Histoire, Université Lund, Suède
Kostas Fraggidis Secrétaire, Evxinos Pontos, Stockholm
Kristian Gerner Professeur d’Histoire, Université Lund, Suède
Lars M. Andersson Enseignant d’Université, direction d’Histoire, Université d’Uppsala, Suède
Linda M. Woolf Professeur de psychologie, Université Webster, Missouri
Manus I. Midlarsky Moses et Annuta Back Professeur de Paix Internationale et de Résolution de conflits, Université Rutgers, New Brunswick
Martha Minow Membre de la Faculté d’Education Jeremiah Smith, Jr. Professeur, Ecole de Droit de Harvard
Michael Dobkowski Professeur d’études religieuses aux collèges Hobart et William Smith
Michael Mann Professeur, Département de Sociologie, Université de Californie, Los Angeles
Norman Naimark Professeur à Robert et Florence McDonnell, d’Etudes d’Europe de l’Est, Université Stanford
Omer Bartov Professeur distingué à John P. Birkelund, d’Histoire Européenne, Département d’Histoire, Université Brown
Ove Bring Professeur de Droit international, suédois National collège de défense, Stockholm, Suède
Paul A. Levine Enseignant d’Université de l’Histoire de l’Holocauste Directeur d’Education, d’Etudes de l’Holocauste et du Génocide à l’Université Uppsala, Suède
Rachel Hadodo Présidente du Conseil d’administration, Union des Associations Assyriennes de Suède
Raffi Momjian Président et Directeur administratif, Projet d’éducation du Génocide, San Francisco
Raymond Kévorkian Professeur, Institut français de Géopolitique, Université de Paris 8, Saint Denis
Richard G. Hovannisian Professeur d’Histoire arménienne et du Moyen Orient, Université de Californie, Los Angeles
Robert Melson Professeur Distingué Cohen Lasry, Centre Strassler pour les Etudes sur l’Holocauste et le Génocide, Université Clark
Roger W. Smith Professeur émérite, Département du Gouvernement, Collège de William et Mary ancien Président du Virginia, Association Internationale des Chercheurs sur le Génocide
Ronald Grigor Suny Professeur d’Histoire politique et Sociale à l’Ecole Normale Charles Tilly, Université du Michigan Professeur émérite de Science et d’Histoire à l’Université de Chicago
Rudolph Joseph Rummel Professeur émérite de Sciences Politiques, à l’Université de Hawaï
Sandra Tatz Directrice de l’Association australienne des Etudes sur l’Holocauste et le Génocide
Saul P. Friedlander Professeur, Département d’Histoire, UCLA
Shelly Tenenbaum Professeur de Sociologie, étudiante en activités de coordination, Centre Strassler pour les Etudes sur l’Holocauste et le Génocide, Université Clark
Stanley Payne Professeur émérite, département d’histoire, Université du Wisconsin
Steven Leonard Jacobs Président d’Etudes Judaïques, dotation Aaron Aronov Professeur associé d’Etudes religieuses à l’Université de l’Alabama Editeur des documents de Raphael Lemkin 1er Vice président, de l’Association Internationale des Chercheurs sur le Génocide
Susan Ashbrook Harvey Professeur d’études religieuses, Université Brown
Tessa Hofmann Licenciée de Sociologie, Département de Sociologie, Institut pour les Etudes sur l’Europe de l’Est, Université libre de Berlin
Tigran Sarukhanyan Membre de l’Association Internationale des chercheurs sur le Génocide Compagnon de recherche visiteur (PRO) aux Archives Officielles de Grande-Bretagne Corporation Humboldrt , Université de Goettingen – Allemagne
Tuomas Martikainen PhD, Chercheur postdoctoral, de la Finlande Académie, Åbo Akademi University, Dept of Comparative Religion
Vahagn Avedian Président du Conseil d’Administration de l’Union des Associations Arméniennes de Suède Chef éditorialiste , armenica.org
William Hewitt Programme Holocauste et Génocide, Université West Chest de Pennsylvanie
Winton Higgins Directeur de l’Association Australienne des Etudes sur l’Holocauste et le Génocide Compagnon de Recherche visiteur, Institut d’Etudes internationales, Université de Technologie, Sydney
Wolfgang Gust Editeur des documents officiels du Bureau des Affaires Etrangères d’Allemagne sur le Génocide arménien
Yair Auron Professeur de Sociologie, Chef du Département de Sociologie, des Sciences Politiques et de la Communication Université Ouverte d’Israël, Jérusalem
Yehuda Bauer Professeur émérite Institut Harman de la Communauté juive contemporaine, Faculté des Humanités, Université Hébraïque de Jérusalem
Yves Ternon Licencié d’Histoire, Paris 4 – Université de la Sorbonne, HDR, Université Paul Valéry – Montpellier 3