Pour un « non de gauche » à l’entrée de la Turquie dans l’Europe

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La gauche doit-elle abandonner à la droite la thématique du « non » à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne ? Cette problématique, un peu comme celle de la sécurité, a le don de la mettre en porte à faux. Et d’affaiblir ses rangs. Que nous dit par exemple le PS ? Qu’il est pour une intégration de la Turquie, tout en expliquant qu’elle ne remplit pas encore les critères d’adhésion, en particulier ceux relatifs au respect des valeurs démocratiques : droits des femmes, oppression des minorités, occupation de Chypre, question du génocide des Arméniens. Comme s’il s’agissait-là de péchés véniels, négociables et non de manifestations liées à la nature même d’un Etat façonné par l’extrême violence dont il a toujours fait montre sur ces questions. Comme si l’existence de telles persécutions n’entrait pas intrinsèquement en contradiction avec le principe même d’une intégration dans l’UE.
Lui barrer la route de l’accession serait, nous dit-on, se priver d’une possibilité de le faire évoluer. Mais considérer qu’en dépit de ses turpitudes – auxquelles il faut ajouter le blocus sur l’Arménie – sa candidature demeure recevable, n’est-ce pas entretenir une complaisance coupable sur des problématiques qui devraient plutôt constituer des préalables à la poursuite des discussions ? Est-ce vraiment l’engager à aller dans la bonne direction ? N’est-ce pas nourrir Byzance dans Constantinople, et favoriser sa tendance à tergiverser sans fin ? Certains, comme Michel Onfray (NAM N°131) ont demandé a contrario l’organisation d’un boycott de la Turquie, comme on l’avait fait de l’Afrique du Sud. La question pourrait se poser en effet. D’autant plus qu’à défaut d’une démarche commune pour obliger la Turquie à se réformer, c’est elle qui mène la danse à sa guise dans les rangs de l’Europe : les entreprises des pays comme la France ayant reconnu le génocide arménien se voient ouvertement exclues des marchés publics turcs, au profit de ceux pratiquant la politique de l’autruche.
Ce pays aux soubresauts multiples, qui baigne entre tabous historiques et névrose nationale a besoin plus que tout autre d’un parler vrai, d’un parler juste. Il ne s’agit pas pour légitimer un refus, d’invoquer, comme la droite (qui en l’occurrence fait preuve de cohérence avec ses valeurs) des raisons géographiques, ou l’extrême droite des motifs religieux ou culturels. Mais à partir d’un véritable état des lieux sur la démocratie dans le pays, de prendre acte qu’il demeure très loin de répondre au « minimum syndical » requis en la matière. Et ce notamment du fait de son histoire criminelle – il faut nommer les choses – qui détermine d’autant plus sa réalité actuelle, qu’aucune rupture n’a été véritablement opérée sur les questions arménienne, kurde et chypriote.
Si l’internationalisme est une des valeurs fondatrices de la gauche, si l’entrée dans l’Europe suppose également un certain renoncement à la souveraineté nationale au profit d’un ensemble plus grand, pourquoi une telle tolérance, un tel laxisme envers l’hypernationalisme turc ? Le processus d’adhésion est-il là pour réformer en profondeur un pays, ou bien pour procéder à sa mise en conformité technique et administrative, dès lors qu’il est au niveau du point de vue des fondamentaux démocratiques ?
Il est temps d’en finir avec ces hypocrisies et d’expliquer clairement que l’intégration turque ne sera négociable qu’au jour où cet état s’alignera sur les standards européens revendiqués en matière de droits de l’homme ; qu’au moment où il se mettra par exemple sur la question arménienne au diapason de l’Allemagne sur la Shoah. Voilà des décennies qu’on caresse la Turquie kémaliste ou islamiste dans le sens du poil, qu’on la gratifie de la manne économique internationale ( c’est l’un des pays a avoir reçu le plus de subsides du FMI), sans arriver au moindre résultat dans ce domaine. L’attitude progressiste – ne serait-ce que par solidarité avec les victimes et les minorités bafouées par cet Etat – devrait passer par une juste fermeté et un « non de gauche » à l’entrée de cette Turquie dans l’Europe.

Ara Toranian

La rédaction
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