Les cinq pays riverains de la mer Caspienne (Iran, Russie, Azerbaïdjan, Turkménistan, Kazakhstan) tiennent les 15 et 16 octobre à Téhéran leur sommet annuel. Vladimir Poutine y rencontrera le président iranien Ahmadinedjad, ce qui donne à ce sommet un relief particulier.
« Oui bien sûr, je vais en Iran. S’il fallait réagir à la moindre menace et suivre à la lettre les recommandations des services de sécurité, on ne sortirait plus de chez soi », a tenu à préciser le président Poutine lors de la conférence de presse de clôture du sommet germano-russe ce 15 octobre. Comme prévu donc, le président participera le 16 octobre, à Téhéran, au sommet des cinq pays riverains de la mer Caspienne (Iran, Russie, Azerbaïdjan, Turkménistan, Kazakhstan). Cette clarification a fait suite à l’information transmise par une « source fiable provenant des services de renseignements russes » à l’agence de presse russe Interfax qu’un attentat contre le président Poutine serait en préparation à Téhéran.
« La fuite sur l’attentat, selon toute vraisemblance, a été organisée afin de couvrir l’impact négatif d’une information à peine plus ancienne – l’annonce de la visite de Poutine dans un Etat voyou », estime Gazeta.ru, le quotidien en ligne moscovite. Pour le journal, cela a tout l’air d' »une mise en scène théâtrale ». La participation du président russe au sommet de Téhéran était cependant prévue de longue date. Mi-septembre, alors que les menaces d’attaques américaines contre des cibles iraniennes s’amplifiaient, on se demandait déjà, en Russie, si le Pentagone choisirait de bombarder Téhéran le 16 octobre, quand Vladimir Poutine y serait [voir l’interview du vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Lossioukov].
Le quotidien iranien ultraconservateur Jomhouri Islami se réjouit de cette « première visite d’un président russe depuis l’avènement de la République islamique » (« première visite à Téhéran d’un dirigeant russe depuis Staline en 1943 », précise la presse russe). Pour le journal de Téhéran, c’est à Moscou de rééquilibrer les pouvoirs dans la région, pour empêcher les Etats-Unis d’imposer leur influence. Les Iraniens attendent donc beaucoup de la venue de Poutine, et ont tout fait pour minimiser les menaces d’attentats terroristes contre le chef de l’Etat russe, que les autorités ont qualifié de complot de l’étranger visant à miner l’amitié irano-russe. Néanmoins, « Vladimir Poutine devra faire la preuve lors du sommet qu’il n’approuve pas la politique américaine dans la région ». En effet, le quotidien rappelle que « la Russie s’est beaucoup rapprochée de l’Occident depuis dix-sept ans, mais ses opinions divergent encore des Etats-Unis et de l’Europe sur de nombreuses questions ». Notamment sur le nucléaire iranien.
« L’uranium est plus important que la Caspienne », titre le journal des affaires moscovite Vedomosti. Pour Radjab Safarov, directeur du Centre de l’Iran contemporain, interrogé par le quotidien, « Poutine utilise le sommet de la Caspienne comme un prétexte pour se rendre en Iran sans irriter l’Occident. Un projet de construction de deux nouvelles centrales nucléaires (pour 4 milliards de dollars), après l’achèvement de celle de Bushehr, pourrait notamment lui être présenté. »
Le premier sommet de la Caspienne s’était tenu en 2003 et n’avait abouti à rien en raison des désaccords sur le partage des ressources énergétiques de cette mer enclavée, rapporte le quotidien russe Vedomosti. Pour sa part, le quotidien azéri Zerkalo note les intérêts tactiques concordants de l’Iran et de la Russie. Le journal estime en effet que l’Iran s’opposera à tout accord sur le statut de cette mer et son partage en cinq zones de taille égale.
Nasser Hamid Zara, ambassadeur d’Iran à Bakou, ne partage pas cet avis : « Bien que certains ne veuillent pas admettre l’aspect positif de cet événement, le sommet de Téhéran témoigne d’une grande volonté [de ses participants] de résoudre les problèmes. La question du statut de la mer Caspienne comporte plusieurs volets qui seront tous discutés : la sécurité, l’écologie et le transport d’hydrocarbures ». C’est sur ce dernier point que les intérêts de Moscou et de Téhéran convergent, observe Zerkalo.
En effet, les deux pays sont contre le transit du pétrole et du gaz de la Caspienne sur le fond de la mer, projet soutenu par les Etats-Unis et l’Europe. Pour Téhéran, le tracé plus court et économiquement et écologiquement optimal est celui qui relie l’Iran et l’Europe via la Turquie. Alors que la Russie ne peut exercer de pression juridique sur ses partenaires centre-asiatiques, Téhéran, qui refuse toujours le mode de partage actuel des eaux territoriales en raison notamment des gisements contestés, a les coudées franches pour saboter toute velléité du Kazakhstan, de l’Azerbaïdjan et du Turkménistan d’exporter leurs hydrocarbures en contournant l’Iran, conclut Zerkalo.
Courrier international