Proposition Boyer : la balle dans le camp du pouvoir

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La proposition de loi de Valérie Boyer visant à pénaliser le négationnisme des génocides aura eu au moins un mérite : celui de réactualiser un sujet qui semblait bel et bien être tombé dans les oubliettes de la classe politique. Pourtant, les débats auxquels a donné lieu ce texte le 3 décembre à l’Assemblée nationale n’ont laissé place à aucune ambiguïté : tous les orateurs se sont révélés d’accord sur la nécessité de réprimer ce fléau et de protéger la mémoire des victimes de 1915 comme celle de leurs descendants. Or, presque 10 ans après une première proposition de loi socialiste sur la question, portée à l’époque par Christophe Masse, député des Bouches-du-Rhône, ce besoin exprimé sur tous les bancs du Parlement n’a cessé de se heurter à des vents contraires.

Il se trouve en effet que ce combat pour la dignité humaine n’est pas du goût d’Ankara, et que, partant, il gêne nombre d’intérêts liés à l’État turc. On ne reviendra pas ici sur les pressions diplomatico-commerciales auxquelles il a donné lieu, ni sur les péripéties politico-juridiques qui ont marqué toutes les tentatives de le faire aboutir. Mais le résultat est là : presque 4 ans après l’élection de François Hollande, qui s’était posé en champion de la pénalisation du négationnisme, sa promesse est restée en souffrance. Il fallait donc sortir de cette torpeur. Valérie Boyer l’a fait. Quelque peu à la hussarde, il est vrai. Et c’est ce que la majorité lui a reproché en dénonçant l’improvisation de sa proposition qui a connu une évolution jugée erratique, au gré des auditions et des amendements.

Le projet initial, déposé le 23 novembre, n’a en effet que peu à voir avec la dernière mouture du texte, rendue publique la veille du jour des débats à l’Assemblée. Pouvait-on, sur un sujet qui s’est échoué sur les récifs du Conseil constitutionnel en 2012 et du Conseil d’Etat en 2013, prendre le risque de la précipitation ? De bonne foi ou non, le gouvernement et le Parti socialiste qui ont demandé le renvoi de la proposition en commission avaient beau jeu de justifier, au nom de cette crainte, leur position. On se félicitera qu’ils aient évité l’écueil d’un très mauvais signal : celui de faire battre le texte, ce qui était en leur pouvoir, étant donné la majorité dont il dispose à l’Assemblée. Faut-il regretter en revanche qu’ils n’aient pas pris la responsabilité politique de le voter, au mépris du danger constitutionnel ? On le saura très vite, à l’aune des moyens qu’ils se donneront pour sortir cette proposition de l’ornière, dans un délai raisonnable.

La dernière version de l’initiative de Valérie Boyer se réclame en tout cas de la caution d’éminents juristes, dont en particulier certains de ceux qui avaient porté le fer contre elle en 2012. Le texte sur lequel devra plancher la commission des lois a déjà fait l’objet d’une vraie réflexion. La bonne foi de ceux qui ont plaidé la sécurisation juridique en demandant son renvoi se mesurera à leur réactivité à le valider ou à le faire évoluer dans le bon sens.

Chacun sait que lorsque l’on veut noyer un problème on crée une commission. Le gouvernement et sa majorité sont désormais sur cette question, les pieds au mur. Il leur appartient de prendre leur responsabilité devant l’histoire et de faire face à leurs engagements, en prenant à leur compte cette proposition, en la peaufinant, ou en présentant une alternative. La balle est dans leur camp.

Ara Toranian

La rédaction
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