Quand l’honneur et la honte se côtoient sous nos yeux …

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Il y a quelques années, dans un lycée parisien, j’avais pu lire sur une affiche la phrase suivante : « Dans un monde privé de principes, il est bon d’avoir encore quelques convictions ». Depuis, cette phrase était restée dans ma mémoire. Aujourd’hui, dans un monde ou de plus en plus « tout vaut tout », cette petite maxime me revient et prend tout son sens.
Il y a quelques jours, nous avons appris la nouvelle de l’entrée prochaine de Missak et Méliné Manouchian au Panthéon. J’aurais envie de dire, « il était temps » !
Mais, alors que j’avais adressé il y a quelques années une lettre au Président de la République lui demandant cette reconnaissance, je me pose aujourd’hui la question de son opportunité.
Finalement, la République mérite-t-elle que les restes des Manouchian soient transférés au Panthéon ?
Plusieurs événements m’en font aujourd’hui fortement douter.
Tout d’abord, le fait que dans la « Capitale des Lumières », sous nos yeux, une institution aussi prestigieuse que le «Musée de l’homme » propose depuis le mois de mai une exposition intitulée « Plantu-Reza, regards croisés ». Celle-ci affirme son ambition de réunir le crayon de l’un des caricaturistes les plus engagés et talentueux de notre pays et l’objectif du photographe Reza.
Originaire d’Iran, mais vivant essentiellement en France et en Azerbaïdjan, Reza est un photographe de réputation internationale qui a ses entrées dans de prestigieuses institutions comme l’UNICEF. Mais Reza est aussi un grand ennemi des Arméniens qui a, sans aucun complexe, mis son art et sa réputation au service d’Ilham Aliev, comme le prouvent régulièrement ses propos dans la presse azerbaidjanaise. Or, ceux-ci sont très éloignés du discours humaniste et internationaliste que Reza répand sans modération, mais avec subtilité, dans les médias du monde entier.
Se pose évidemment la question de son association avec Plantu, de ce « mariage de la carpe et du lapin », mais surtout de la responsabilité de la direction du « Musée de l’homme » qui invite en ses murs un négationniste avéré du Génocide des Arméniens, l’homme-lige du dictateur Aliev et un collaborateur patenté de la « Fondation Aliev. » Bref, l’archétype de celui que l’éthique des responsables d’une telle institution devrait contraindre d’écarter d’une telle entreprise.

La seconde raison est la présence d’Elvin Nabizade, un « artiste azerbaidjanais », également sponsorisé par la « Fondation Aliev », récemment invité par les « Ateliers de l’Art de France » dans le cadre de la dernière « Biennale des révélations» de Paris.

Lors de cette manifestation à la triple vocation artistique, culturelle et commerciale, l’artiste présentait une installation de 44 sazes, un instrument de musique à corde pincée commun à tous les peuples de la région. L’œuvre était légendée de la manière suivante : « Les années ont passé et l’Azerbaïdjan a mis fin à la longue querelle du Karabakh en gagnant ses droits dans la Guerre des 44 jours … à ce moment-là, le nombre de sazes ne fut pas perçu comme purement fortuit, mais comme une prémonition artistique, une sorte de sixième sens. En Azerbaïdjan, dans la sphère artistique, de nombreux confrères d’Elvin en ont été étonnés et enthousiasmés ».
Là aussi, on ne peut qu’être choqués par la légèreté des organisateurs de l’événement qui ont accepté sans aucun état d’âme l’instrumentalisation – sans aucun jeu de mots – de leur manifestation par un Etat totalitaire, raciste, coupable de crimes de guerre, qui tient depuis six mois en otage les 120 000 Arméniens d’Artsakh, dont 30 000 enfants.

Enfin, la visite d’une délégation azérie à la tombe du soldat inconnu – l’Arc de Triomphe – lors d’une manifestation organisée le 16 juin dernier à l’occasion de la « Journée de l’armée azerbaïdjanaise ».

En autorisant ce simulacre d’hommage, la direction du « Comité de la flamme » a permis la profanation de ce haut-lieu de notre mémoire collective par les représentants d’un État et d’une armée qui menacent quotidiennement l’existence du peuple arménien, qui ont pratiqué tout récemment encore la torture sur des civils et des militaires arméniens et commis des exécutions sommaires.

Cette « cérémonie » qui constitue une ignominie doit être dénoncée et condamnée. Ses responsables doivent s’expliquer sur les circonstances de son organisation.

Le pays qui considère comme un héros national le frère du criminel Enver, Nuri « Pasha », le créateur de la Légion Turkestan de la Wehrmacht, nargue et humilie la France et profane l’un de ces lieux les plus sacrés. Les représentants de l’armée de ce pays créé de toute pièce en 1918 par la Turquie alliée de l’Empire allemand, sont ainsi mis sur un pied d’égalité avec les soldats arméniens de toutes les guerres qui ont combattu pour la France et aux côtés de ses alliés.

Mais dans un relativisme très assumé, des responsables politiques et certaines « élites » de notre pays considèrent aujourd’hui que « tout vaut tout ».

L’honneur et la honte se côtoient aujourd’hui de manière quasi-quotidienne à Paris, sous nos yeux, sans que personne ne s’en émeuve et sans que personne ne dénonce cet état de fait.

Mais parce qu’en l’absence de principes, nous avons – encore – quelques convictions, nous venons sans cesse témoigner et redire à nos concitoyens:

– Que Nuri Pasha et son frère ne vaudront jamais Missak et Méliné Manouchian,

– Que Reza et Elvine Nabizade ne vaudront jamais Carzou et Aznavour,

– Que la « petite télégraphiste » d’Aliev en poste à Paris n’équivaudra jamais cette grande Dame, Madame Hasmik Tolmadjian, l’Ambassadrice d’Arménie, que nous avons entendue mercredi soir à la salle Gaveau dans un magnifique plaidoyer pour la défense de nos héroïques frères et sœurs d’Artsakh.

Là encore, il n’y a pas photo !

Sahag Sukiasyan

La rédaction
Author: La rédaction

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