Le face à face entre le gouvernement irakien et les autorités régionales kurdes autour du drapeau rappelle l’échec des Irakiens à se mettre d’accord, après la chute de Saddam Hussein, sur ce symbole de l’identité nationale.
Le gouvernement autonome kurde a mis le feu aux poudres lundi, en ordonnant que le drapeau kurde flotte seul sur les bâtiments publics de la région automne du Kurdistan irakien, où il était parfois associé au drapeau irakien.
Dimanche, le Premier ministre Nouri al-Maliki, un chiite, a vivement répliqué, sous la pression de la communauté sunnite.
« Le drapeau irakien actuel doit être hissé sur chaque centimètre de terre irakienne, tant que le Parlement n’aura pas pris de décision à ce sujet, conformément à la Constitution », a-t-il tranché.
Cette nouvelle querelle autour du symbole de l’identité irakienne naît de l’échec des différentes communautés du pays à trouver un nouvel emblème national, après la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003.
Par défaut, le drapeau irakien actuel est donc toujours celui du président déchu, au grand dam des Kurdes: il se compose de trois bandes horizontales rouge, blanche et noire, portant trois étoiles et l’inscription Allah Akbar (Dieu est le plus grand) en vert, couleur de l’islam, de la calligraphie même de Saddam Hussein.
« Ce drapeau n’est pas celui de l’Irak, mais du parti Baas, des campagnes Anfal, des bombardements chimiques, du drainage des marais, de la répression et des charniers », a tempêté dimanche le président de la région autonome kurde Massoud Barzani, rappelant les crimes du régime déchu.
Vendredi, Barzani avait donné l’ordre de remplacer le drapeau national par le drapeau kurde au Kurdistan irakien, déclenchant une riposte à Bagdad: le Premier ministre, le chiite Nouri al-Maliki a publié dimanche un communiqué très sec notant que « le drapeau irakien actuel est le seul qui doive flotter sur la totalité du territoire irakien jusqu’à ce qu’une décision soit prise par le parlement dans le cadre de la constitution ».
« Si nous voulons nous séparer, nous le ferons, sans hésitation ni craintes », a lancé à son tour Massoud Barzani. Avant de nuancer son propos, rappelant que les dirigeants kurdes avaient déjà décidé de rester au sein de l’Irak uni.
Lors de la campagne de répression Anfal, pour laquelle Saddam Hussein est en ce moment jugé pour génocide à Bagdad, c’est le drapeau irakien qu’arboraient les soldats responsables de la mort de 180.000 personnes au Kurdistan, selon l’acte d’accusation.
Le drapeau kurde possède lui des bandes horizontales rouge, blanche et verte, avec au centre un soleil rayonnant.
La fronde kurde reflète bien sûr les velléités séparatistes d’une région qui est autonome depuis la fin de la première guerre du Golfe en 1991, possède ses propres forces armées et constitue un havre de paix dans un pays au bord de la guerre civile.
Mais les Kurdes assurent également être prêts à hisser un emblème national irakien – après tout, le président irakien, Jalal Talabani, est l’un des leurs – pourvu qu’il soit différent.
« Nous voulons un nouveau drapeau et un nouvel hymne national, représentant toutes les composantes du peuple irakien, conformément à l’article 12 de la Constitution », a demandé à nouveau dimanche Massoud Barzani.
La communauté sunnite, dépossédée du pouvoir dont elle disposait sous le régime de Saddam Hussein, y est fortement opposée, mais Kurdes et chiites, qui sont également favorables au choix d’un nouvel emblème, peuvent facilement rassembler une large majorité sur le sujet.
Mais autour de quel drapeau ? Les Irakiens s’étaient élevés contre le Conseil de gouvernement transitoire, mis en place à l’été 2003 par la coalition, qui avait déjà tenté d’imposer un nouvel étendard.
Celui-ci comprenait deux étroites bandes bleues, symbolisant le Tigre et l’Euphrate, séparées par une bande jaune, couleur emblématique des Kurdes, surmontées d’un large rectangle blanc avec au milieu un croissant, symbole de l’islam.
Mais il avait été massivement rejeté, tant par les sunnites que par les chiites, qui le trouvaient trop proche du drapeau israélien.