Rattrapé par un scandale, Gaguik Jahanguirian entend conserver ses fonctions dans l’appareil judiciaire arménien

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Nullement ébranlé par le vent de critiques soulevé par la diffusion d’un enregistrement audio dans lequel il use de menaces et de chantage contre son prédécesseur, Gaguik Jahanguirian n’envisage guère de renoncer à ses hautes fonctions dans l’appareil judiciaire arménien. Le très controversé président en exercice du Conseil supérieur de la magistrature, une instance judiciaire chargée de superviser le fonctionnement des tribunaux arméniens, est pourtant au cœur d’un scandale depuis la diffusion de cet enregistrement par son prédécesseur, qui a été peu après déchu de ses fonctions et prérogatives qu’il n’assumait plus qu’en titre depuis près d’un an, et les appels se multiplient en vue de sa démission. Mais cet homme d’appareil, judiciaire en l’occurrence, en a vu d’autres, et avait essuyé des critiques tout aussi violentes lorsqu’il servait l’ancien régime, en qualité notamment de procureur général de l’armée, avec autant de zèle et de loyauté d’ailleurs que l’actuel pouvoir de Nikol Pachinian. “Je n’ai jamais été contraint par quelque force ou alliance politique de présenter ma démission”, a déclaré l’ancien procureur en chef dans une interview diffusée jeudi 23 juin par la télévision publique arménienne. Celui par qui le scandale est arrivé, Ruben Vartazarian, l’ancien président du Conseil supérieur de la magistrature (SJC), avait publié lundi 20 juin un clip audio de 14 minutes d’une conversation qu’il avait secrètement enregistrée durant une rencontre dinatoire avec Jahangirian en février 2021. La rencontre avait eu lieu deux mois avant que la décision controversée de suspendre Vartazarian de son poste de président du SJC sur fond de tensions croissantes avec le premier ministre Nikol Pachinian. Dans cet enregistrement, on entend clairement Jahangirian mettre en garde Vartazarian, l’incitant à démissionner au risque sinon de devoir faire face à des poursuites. Il précisait qu’il avait déjà mis un frein à une ou deux enquêtes le visant, laissant ainsi entendre qu’il lui suffisait de faire rouvrir le dossier. S’exprimant sur la chaîne contrôlée par l’Etat arménien, Jahangirian a affirmé qu’il n’était pas en position de lancer ni d’arrêter quelque procédure criminelle et qu’il avait simplement cherché à pousser Vartazarian sur la voie de la démission. “Pensez-vous que Mr. Vartazarian aurait rédigé une lettre de démission s’il avait su qu’il était visé par des enquêtes et sans garanties qu’il ne serait pas ensuite sanctionné?”, a fait valoir Jahanguirian, qui admet avoir usé seulement de « moyens de pression psychologiques” sur son prédécesseur. Les groupes d’opposition et civiques semblent peu convaincus par de telles explications. Ils estiment que Jahangirian devrait non seulement être limogé mais aussi poursuivi pour ce qu’ils considèrent comme un abus de pouvoir manifeste, à savoir le recours au chantage et l’interférence illégale dans le travail des autorités compétentes. L’une de ces instances, le Comité d’enquête, aurait interrogé Vartazarian jeudi, dans le cadre d’une enquête préliminaire sur l’enregistrement audio à l’origine du scandale. Le Comité n’a pas encore fait savoir s’il entendait aussi interroger Jahangirian. En dépit de l’indignation exprimée, le SJC a refusé pour sa part d’engager ne serait-ce que des mesures disciplinaires contre son président en exercice. La puissante instance judiciaire, qui nomme les juges arméniens comme elle peut les renvoyer, s’est contentée en lieu et place d’annoncer le limogeage officiel de Vartazarian de son statut de président en titre et de membre, le même jeudi. Jahangirian a aussi indiqué, dans cet enregistrement pour le moins compromettant, que ses efforts visant à convaincre Vartazarian de démissionner étaient justifiés par la nécessité d’empêcher l’ex-président et opposant Robert Kotcharian de revenir au pouvoir. Dans son interview télévisée, Jahangirian a pourtant indiqué qu’il avait pour seul objectif d’accélérer les réformes judiciaires en Arménie. Il a affirmé que la mise en œuvre de telles réformes a toujours été sa “mission”. Une profession de foi qui ne manquera pas de susciter au mieux du sarcasme parmi ceux qui ont fait les frais de cette « mission ». Le magistrat âgé de 67 ans a été accusé de graves violations des droits de l’homme lorsqu’il occupait la fonction de procureur général de l’armée arménienne et de vice-procureur-général de 1997 à 2006 et de 2006 à 2008 respectivement. Les défenseurs locaux des droits de l’homme lui reprochent notamment d’avoir couvert les abus au sein des forces armées, qui étaient monnaie courante durant son mandat. “J’en garde le souvenir d’un mauvais procureur militaire qui méprisaient les personnes et étouffaient les affaires”, a déclaré l’une de ces activistes, Janna Aleksanian, interrogée par le Service arménien de RFE/RL en ajoutant : “Il était absurde de le placer à la tête de l’appareil judiciaire… Il n’aurait jamais dû être placé à un tel poste… Il a un très mauvais CV !” Jahangirian a été nommé membre du SJC en janvier 2021 par le Parlement arménien contrôlé par le parti Contrat civil de Pachinian. Les députés représentant ce parti ont préféré ne pas commenter vendredi ce scandale audio et les appels à la démission de Jahangirian qui en ont résulté. Les leaders de l’opposition ont désigné cet enregistrement audio comme une nouvelle preuve de ce que les « réformes judiciaires » mises en œuvre par le gouvernement de Pachinian avec les encouragements et le soutien des Occidentaux n’ont en fait pour seul objectif que de renforcer l’emprise du pouvoir sur les tribunaux arméniens. Dans un communiqué publié en début de semaine, la principale alliance d’opposition, Hayastan, a appelé les ambassadeurs des Etats-Unis et de l’Union européenne à Erevan à s’exprimer sur ce scandale et à préciser s’ils continuent à soutenir les réformes engagées. Taguhi Tovmasian, la présidente de la commission des droits de l’homme du Parlement arménien, affiliée à l’autre groupe de l’ opposition, avait indiqué vendredi qu’elle avait envoyé la transcription de l’enregistrement aux organisations internationales dans le même objectif. Tovmasian a précisé qu’elle leur avait demandé de répondre à la question suivante : “Comment le Conseil supérieur de la magistrature peut-il interférer dans quelque affaire criminelle pour des motifs purement politiques, dans un pays qui se dit démocratique?”

Garo Ulubeyan
Author: Garo Ulubeyan

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