L’époque semble bien lointaine où les sommets de l’OSCE portaient l’espoir d’un règlement du conflit arméno-azéri autour du Haut-Karabagh, dont l’arbitrage avait été confié en 1997 à trois puissances coprésidant le Groupe de Minsk de l’OSCE, la Russie, les Etats-Unis et la France. Après 27 ans de négociations entamées dans le cadre de l’OSCE en 1993, et dénoncées toujours plus fermement par l’Azerbaïdjan qui accusait le Groupe de Minsk de maintenir un statu quo favorable aux Arméniens, qui contrôlaient la plus grande partie du Haut-Karabagh proprement dit et sept districts azerbaïdjanais environnants depuis le cessez-le-feu de 1994 qui avait mis fin, sous l’égide de la Russie et de la CEI à la première guerre du Karabagh, les forces armées de Bakou, aidées par la Turquie, engageaient une guerre sanglante le 27 septembre 2020 contre les Arméniens au Karabagh, contraignant l’Arménie à capituler au bout de 44 jours, avec la médiation une fois encore de la Russie. Depuis, tandis que l’Arménie s’employait sans conviction à ressusciter une coprésidence du Groupe de Minsk que l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 avait condamnée à mort, en rendant impossible toute collaboration entre Moscou et ses anciens partenaires occidentaux au sein de l’OSCE, l’Azerbaïdjan, qui n’avait cessé de déclarer que sa victoire de 2020 avait réglé la question du Karabagh, portera le coup de grâce au territoire arménien disputé le 19 septembre dernier, en en chassant la population arménienne vers l’Arménie, et dans le même temps aux relations traditionnelles d’alliance toujours plus fragilisées entre l’Arménie et la Russie, qui était censée protéger cette population arménienne en vertu du cessez-le-feu du 9 novembre 2020. Autant dire que la question du Karabagh, dont le président du Parlement arménien lui-même, Alen Simonian, un proche du premier ministre arménien Nikol Pachinian, vient de déclarer qu’il a été réglé du fait même de la reconnaissance par l’Arménie, de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, avec lequel Erevan devrait conclure au plus vite selon lui un traité de paix, ne figure pas à l’agenda de ce sommet des ministres des affaires étrangères des Etats membres de l’OSCE qui se tenait à Skopje en Macédoine du nord, le 29 novembre, en présence des trois anciennes puissances médiatrices qui en ont tourné la page, manifestement sans états d’âme, après près de trois décennies de vaines négociations. Désormais à couteaux tirés, les ministres des affaires étrangères des Etats-Unis et de France d’une part, de Russie de l’autre, ont déployé tous leurs efforts pour s’éviter dans la capitale nord-macédonienne, tandis que le ministre arménien des affaires étrangères, Ararat Mirzoyan, indiquait clairement les nouvelles orientations diplomatiques de son pays, en s’affichant ostensiblement aux côtés des diplomates occidentaux plutôt qu’au côté du chef de la diplomatie de la Russie, qui est théoriquement toujours son alliée. Pourtant, si la perte du Karabagh et la guerre que livre la Russie contre l’Ukraine ont réduit à néant cette « diplomatie de complémentarité » entre l’Est et l’Ouest qui avait dicté la politique étrangère de l’Arménie depuis son indépendance, le chef de la diplomatie arménienne a préféré ne pas ignorer totalement la Russie lors de ce sommet, afin de ne pas aggraver des relations qui semblent avoir atteint un point de non retour. Après des mois de tensions, Mirzoyan s’est entretenu avec son homologue russe Sergueï Lavrov en marge du sommet de Skopje, une « conversation, brève ”, de l’aveu même du ministère russe des affaires étrangères, mais qui avait le mérite d’exister, si ce n’est de briser une glace qui semble atteindre l’épaisseur d’une banquise. Dans son communiqué, le ministère russe indique que Lavrov et Mirzoyan ont discuté des relations bilatérales et du processus de paix arméno-azéri, sans mentionner quelque résultat concret et encore moins d’accord à l’issue de cette brève rencontre, qui s’est déroulée au détour de discussions bien plus consistantes qu’a eues le chef de la diplomatie arménienne, notamment avec le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken et le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Le ministère arménien des affaires étrangères n’a pas voulu de son côté s’étendre sur le sujet, auquel il n’a consacré qu’un communiqué d’une brièveté inhabituelle, dans lequel il souligne que Mirzoyan “une fois encore, a présenté les positions de la partie arménienne concernant la politique russe et les mesures prises dans le cadre des agendas bilatéral et régional ”. Les relations arméno-russes n’ont cessé de se détériorer depuis un an en raison principalement, selon Erevan, du manque manifeste de soutien de la Russie dans le conflit opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan. Ces tensions entre les deux pays traditionnellement alliés ont monté d’un cran après l’offensive militaire azérie des 19 et 20 septembre au Karabagh, où les soldats de la paix russes ont assisté passivement à l’exode de la population arménienne qu’ils étaient censés protéger. Le ministère russe des affaires étrangères de son côté a accusé à plusieurs reprises Nikol Pachinian de « détruire » systématiquement ces relations et de réorienter son pays vers l’Occident. Ce à quoi Pachinian et d’autres responsables arméniens rétorquent que la Russie a failli à ses engagements de garantir la sécurité de son allié du Sud Caucase. Le fossé entre les deux pays s’est creusé au point de remettre en cause le maintien de l’Arménie au sein de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire dirigée par la Russie, mais aussi au sein d’autres organisations économiques et commerciales contrôlées par la Russie et regroupant d’ex-Républiques soviétiques. Pachinian avait laissé clairement entendre la semaine dernière qu’il envisageait désormais sérieusement le retrait de l’Arménie de l’OTSC, dont il avait boycotté le sommet à Minsk le 23 novembre. Selon le compte-rendu russe de la rencontre de Skopje, Lavrov aurait réaffirmé la disposition de Moscou à contribuer de manière “ vigoureuse ” à un traité de paix arméno-azéri fondé sur les accords obtenus sous l’égide du président russe Vladimir Poutine. Mais il semble que Erevan préfère que ce processus se poursuive sous un format occidental, ou dans le cadre de négociations directes avec l’Azerbaïdjan, dont le ministre des affaires étrangères, Jeyhun Bayramov, devait par ailleurs rencontrer son homologue arménien Mirzoyan dans le cadre du sommet de Skopje. C’est de toute manière l’Azerbaïdjan, avec son allié turc, qui dicte l’agenda : après avoir joué le jeu des Occidentaux, Bakou se retourne depuis quelques temps vers Moscou et exige depuis le 21 novembre des pourparlers directs avec Erevan. L’Arménie quant à elle a ignoré les récentes offres de Lavrov qui se proposait d’arbitrer de nouveaux pourparlers entre les ministres des affaires étrangères arménien et azerbaïdjanais. Moscou affirme que les efforts de paix déployés par les Etats-Unis et l’Union européenne, auxquels l’Arménie s’est vue reprocher de se soumettre avec une candeur coupable, ont pour objectif principal d’évincer la Russie du Sud Caucase. Aussi brève fut-elle, la rencontre de Mizoyan avec Lavrov avait sans doute en vue la prochaine échéance, sans doute décisive, des relations arméno-russes : la tenue à Saint-Petersbourg, dans quelques jours, d’un sommet des chefs d’Etat de la CEI et d’un sommet de l’Union économique eurasiatique (UEE), auquel Pachinian est d’autant plus attendu que l’Arménie doit assumer la présidence tournante de cette union dirigée par la Russie à laquelle elle a adhéré en janvier 2015. Les responsables russes ont laissé entendre qu’un autre boycott de sa part pourrait avoir des incidences très regrettables, singulièrement pour l’économie arménienne, dont le fort taux de croissance, dont se félicite le gouvernement arménien, doit beaucoup au développement spectaculaire, depuis un an, des relations économiques et commerciales avec la Russie, frappée par des sanctions occidentales que les échanges commerciaux avec l’Arménie contribuent à contourner. Moscou a donné un petit aperçu de sa capacité de nuisance en durcissant les règles relatives à l’importation des produits agroalimentaires arméniens en Russie, ce qui a provoqué un ralentissement du trafic des poids lourds arméniens bloqués par la douane russe au point de passage du Haut-Lars, dans le Caucase du nord.
Rencontre discrète entre Lavrov et Mirzoyan à Skopje en marge du sommet de l’OSCE
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