Charles KECHKEKIAN : Quels ont été les principaux thèmes que vous avez abordés avec vos homologues arméniens aujourd’hui ?
UNAL CEVIKOZ (Vice-Secretaire d’État auprès du Ministere des Affaires étrangères de la Republique de Turquie) Je suis venu ce jour même a Erevan, afin de rencontrer le President arménien et lui délivrer un message de mon President. Pour l’heure, je me suis déjà entretenu avec le ministre des Affaires étrangères arménien Edward Nalbandian, et son Vice-Ministre Arman Kirakossian. La mission qui m’a mené ici, rassemble deux objectifs. Primo, la préparation du match de football qui va prochainement opposer l’Arménie a la Turquie, une rencontre a laquelle mon President pourrait assister ; secundo, l’évocation du contexte régional caucasien après la dernière guerre russo-georgienne. Or récemment, la Turquie a initie un projet intitule “Plateforme de Stabilite et de Cooperation du Caucase ” que nous souhaitions évoque avec la partie arménienne.
Charles KECHKEKIAN :Quand bien même il est un acteur régional majeur, comment la Turquie peut aider les pays du Caucase à remplir ces objectifs ?
UNAL CEVIKOZ : Tout d’abord, nous sommes convaincus que l’établissement d’une confiance réciproque entre ces pays représente une étape indispensable à franchir . En effet, 17 ans après la désintégration du bloc soviétique, les conflits non résolus sont toujours nombreux dans la région. D’ailleurs le mois dernier, nous avons tous pu constater que ces conflits geles peuvent à tout moment se transformer en conflits brulants. Par conséquent, si les mécanismes existants n’ont pas permis pour l’heure de prévenir ce risque, nous pensons qu’une initiative nouvelle et originale, comme la “Plateforme de Stabilite et de Cooperation ”, pourrait aider a surmonter ces difficultés. Quand bien même ce concept ambitionne de stimuler une synergie nouvelle entre les pays de la région, il ne se veut en aucun cas exclusif ; le moment opportun, il pourra toujours s’appuyer sur d’autres mécanismes, Etats ou organisations existantes comme l’OSCE, l’Union européenne ou le BSEC, intéressés eux aussi par les mêmes objectifs de paix et de stabilité.
Charles KECHKEKIAN :Faut-il en conclure par exemple, que la Turquie s’impliquera plus encore dans le Groupe de Minsk (groupe en charge de la résolution du conflit du Haut-Karabagh) ?
UNAL CEVIKOZ : Non, nous ne pensions pas spécialement au Groupe de Minsk lorsque cette initiative a été élaborée. La Turquie, de toute façon, est déjà une membre du Groupe. D’ailleurs, les travaux de ce groupe suivent toujours leur cours sous les auspices des trois coprésidents que sont la France, les Etats-Unis et la Russie. Bien qu’elle soit tres importante, cette commission n’a toujours pas permis de parvenir a une solution entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, même si elle a sensiblement rapproché leurs positions.
Charles KECHKEKIAN :Le concept turc résumé par la formule “Zero problèmes avec nos voisins ”, s’appliquera-t-il également à l’Arménie ?
UNAL CEVIKOZ : Bien sûr, c’est d’ailleurs l’un des aspects que nous envisageons au travers de la plateforme que nous proposons. A ce jour, la Turquie est probablement le seul pays a entretenir de bonnes relations avec l’Azerbaïdjan, la Georgie et la Russie. S’il est également exact que les relations entre Ankara et Erevan souffrent d’un manque certain, nous ne pensons pas que cette situation représente un handicap majeur. En effet, et par définition, notre plateforme doit justement faciliter la normalisation des relations futures entre l’Armenie et la Turquie.
Charles KECHKEKIAN :Votre pays peut-il sincèrement parvenir à ce résultat, s’il n’offre pas la même attention aux trois républiques caucasiennes ?
UNAL CEVIKOZ : C’est en partie la raison de ma présence ici. Nous avons d’ores et déjà évoqué la mise en place de cette structure avec les ministres des Affaires étrangères de Russie, d’Azerbaïdjan et de Georgie ; il était donc important de partager cette idée avec nos voisins Armeniens, et d’évoquer avec eux les détails cette proposition. A mon sens, cette dernière a été très bien accueillie par le Ministre Edward Nalbandian.
Charles KECHKEKIAN :La possible venue dans les prochains jours, du President turc M. Abdulah GUL Arménie, pourrait-elle marquer l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les relations arméno-turques ?
UNAL CEVIKOZ : Je pense qu’il est opportun de procéder à cette interprétation. Lorsque le President SARKISYAN a pris l’aimable initiative d’inviter le President GUL, ce dernier l’a étudie avec le plus grand sérieux. Par conséquent, s’il venait a l’accepter, les deux chefs d’Etat en partageraient la responsabilité. Cette initiative commune ainsi conclue pourrait ainsi constituer une nouvelle étape vers la normalisation des relations entre les deux pays.
Charles KECHKEKIAN :Avant de terminer cet entretien, pourriez-vous nous dire qui de l’Arménie ou de la Turquie, a les meilleures chances de gagner le match qui va les opposer ?
UNAL CEVIKOZ : Je ne peux vraiment pas spéculer sur cette question, d’autant que vous n’ignorez pas que les footballeurs de moins de 21 ans se sont déja rencontres, et que l’Arménie a remporté le match 2 buts a 1. Par conséquente, le seul commentaire que je ferai est le suivant : que le meilleur gagne.
Charles KECHKEKIAN :N’est-il pas possible que les deux nations en ressortent vainqueurs toutes les deux ?
UNAL CEVIKOZ : Que le President GUL vienne ou non assister au match avec le President SARKISYAN, le simple fait que ce match puisse se dérouler normalement représente déjà une grande victoire pour les deux pays.
Erevan, le mercredi 3 septembre 2008
Charles KECHKEKIAN
Directeur de la Redaction
Magazine PAREV COTE D’AZUR
Légende photo : de gauche à droite MM Samson OZARARAT, Representant de le Republique d’Arménie au sein du Conseil Economique de l’Organisation Economique des Pays de la Mer Noire (CEMN),Unal CEVIKOZ, Vice-Secretaire d’Etat auprès du Ministere des Affaires étrangères de la Republique de Turquie, Arman KIRAKOSSIAN, Premier Vice-ministre des Affaires étrangères de la Republique d’Arménie, Firat SUNEL, Chef du Departement du Sud Caucase auprès le Ministere des Affaires etrangeres de la Republique de Turquie, Arsen AVAGYAN, Conseiller a l’Ambassade d’Arménie en Iran
