Retour vers le futur

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Un film m’est revenu à la mémoire à l’occasion des élections présidentielles et législatives en Turquie. Vous souvenez-vous de Retour vers le Futur ? Le héros, Marty Mc Fly, voyage dans le temps à bord d’une voiture tout à fait spéciale une Delorean customisée par le génial Docteur Emmet Brown. Courageux et muni d’un grand cœur, Marty fait de son mieux pour corriger les défauts de son époque ou ceux du futur.

En mai dernier, la Turquie était à la croisée des chemins et s’interrogeait, elle aussi, sur son futur. Une bonne occasion d’examiner à nouveau, les deux visages très opposés de ce pays.

Le premier visage, que tout Arménien reconnaît vite, est celui de la brute de cour de récréation. On le retrouve dans l’attitude indigne du ministre des Affaires étrangères Çavuşoğlu. À peine trois mois après que son pays ait subi un tremblement de terre dévastateur et que l’Arménie pour montrer son attachement à la paix et à un bon voisinage ait envoyé sur place une équipe de secouristes, la Turquie, au lieu de témoigner d’un minimum de reconnaissance, a suspendu les autorisations de survol de son territoires aux avions de ligne arméniens. Cette décision brutale et soudaine prend prétexte dans l’érection d’un monument à Erevan dédié aux membres de l’opération Némésis.

Talaat dispose d’un mausolée à Istanbul depuis 1943, l’Arménie n’a pas fermé son espace aérien à la Turquie pour autant. Mais ce qui est juste, ce qui est digne, ce qui devrait relever de la plus élémentaire noblesse d’âme n’a aucune valeur pour Çavuşoğlu qui se contente de considérer qui est fort et qui faible. Brutaliser le faible parce qu’il est faible est une mentalité de brute de cour de récréation.

Il serait inutile d’argumenter sur la différence profonde de nature entre les deux monuments. Le mausolée de Talaat érige au rang de héros national un homme responsable de la mort de millions d’innocents, et également, soit dit en passant, un homme responsable de la chute et du démembrement de l’Empire ottoman, comme le lui reprochait Ataturk. La statue sur Némésis, elle, est consacrée à des individus qui ont exécuté une sentence de condamnation à mort par contumace délivrée par un tribunal, turc de surcroît, envers des criminels contre l’Humanité.

Il faut saluer le formidable talent qu’a le gouvernement turc pour remettre tout seul le Génocide de 1915 au devant l’actualité, même quand personne n’en parle. Formidable talent pour assumer l’héritage sanglant des jeunes Turcs alors que les chancelleries occidentales font de leur mieux pour exonérer la Turquie moderne de la responsabilité de 1915.

Mais ces arguments sont superflus car seule compte la force, avec une logique digne du personnage de Biff Taner dans Retour vers le Futur ; Je suis fort, et j’exerce cette force même quand elle est inutile et me couvre de honte. Juste pour le plaisir.

Mais il y existe une autre face de la Turquie, beaucoup plus proche de Marty Mc Fly. Celle qui sauve l’honneur du pays ou d’une partie du pays.

Une pièce de théâtre fait un carton à Istanbul. Elle s’intitule Gomidas et raconte la vie du prêtre musicien, de sa jeunesse à sa déportation, sa folie et sa mort en France. Écrite et mise en scène par Ahmet Sami Özbudak et interprété par Fehmi Karaarslan, elle est jouée en turc et parfois en français dans l’église arménienne de Kumkapi. Soutenue par la fondation Gulbenkian et la Fondation Hrant Dink, elle a même été interprétée en Arménie. Il faut remarquer l’ensemble des prix que cette pièce a raflés en Turquie même. Les équivalents turcs des Molières ont largement récompensé Gomidas. Prix du Théâtre de l’Association des Critiques de Théâtre, Prix Yapi Kredi Afife, Prix du public de Dileklarasi… Ce seul-en-scène remarquable d’intensité est accompagné par un Chœur d’une quarantaine de choristes dirigés par Hagop Mamigonyan. Pendant 90 minutes, Fehmi Karaarslan fait revivre à un public presque exclusivement turc, la vie tragique du sauveur de la musique populaire arménienne. Et ainsi le public prend conscience que Gomidas, un natif de Kutaya, fait aussi partie de son propre patrimoine.
Voici donc, à nouveau face à face, les deux visages de la Turquie, et à travers eux l’éternelle rivalité entre les Biff et les Marty. Hélas les résultats des élections ont montré que les valeurs de Biff étaient encore et toujours majoritaires en Turquie, mais tôt ou tard le futur appartiendra à Marty Mc Fly. Du moins, je le souhaite ardemment.

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Author: capucine

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