Seda, rescapée du génocide Khmer rouge, se sent « coupable » d’être en vie

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Seda a perdu son père et cinq frères et soeurs. Torturée, réduite au rang d’esclave, elle a finalement survécu au génocide des Khmers rouges, dont le tribunal commence à se mettre en place lundi. Mais aujourd’hui, elle se sent « coupable » d’être encore en vie.

La famille de Seda Douglas vivait dans la capitale cambodgienne Phnom Penh. Son père était officier dans l’armée, sa mère prenait soin des sept enfants. Seda, alors âgée de 15 ans, était l’aînée.

Le 17 avril 1975, les Khmers rouges renversent le régime pro-américain et imposent la terreur à Phnom Penh: les cadres et les lettrés sont exécutés et les habitants de la capitale reçoivent l’ordre de quitter la ville.

« Ils nous regardaient comme si nous étions leurs ennemis », se souvient Seda, aujourd’hui âgée de 46 ans et réfugiée à Melbourne, dans le sud de l’Australie.

Pour se protéger, lui et les siens, son père ment. Il dit être chauffeur de taxi et que ses enfants sont analphabètes. La famille prend le chemin de l’exode et se retrouve dans un village de l’ouest.

Là-bas, Seda est retirée aux siens et contrainte de travailler dans un camp mobile. Des jours durant, elle s’épuise dans les rizières, recevant pour toute nourriture un gruau rallongé à l’eau.

« La nourriture était devenue une obsession », raconte-t-elle.

Cinq de ses frères et soeurs meurent de faim, son père décède en prison, victime d’expériences médicales. Seda n’a plus que sa mère et un frère.

Une nuit, elle tente de s’échapper. Rattrapée, elle est ligotée à un arbre. Elle y passe une nuit avant d’être « torturée devant tout le monde ». Le corps tuméfié, elle reste encore une nuit prisonnière de l’arbre. Libérée à l’aube, elle rampe jusqu’à une rizière pour y boire l’eau boueuse.

Aux abords de la mort, une voix imaginaire lui parvient : celle de son père, qui l’appelle à rester forte. « J’ai décidé que je devais survivre ».

Des années plus tard, en 1979, les Vietnamiens « libèrent » le Cambodge. Les Khmers rouges fuient vers la frontière thaïlandaise. « J’ai fait semblant d’être malade. Je savais qu’ils n’emmeneraient personne qui ne pourrait pas garder le rythme ».

Avec sa mère et son frère, elle s’enfuit à travers les champs de mines, marchant dans les empreintes de pas pour tenter d’éviter le sort de ceux dont elle pouvait apercevoir les cadavres.

Elle atteint finalement un camp de réfugiés thaïlandais. Quatre ans plus tard, en 1983, la famille obtient l’asile en Australie. Seda a 23 ans quand elle arrive à Melbourne.

« L’odeur de l’air frais, l’odeur de la liberté… tout était si formidable… On a dormi sur des vrais matelas pour la première fois depuis des années. Et on avait de l’eau propre. C’était le paradis ».

Seda prend des cours d’anglais, décroche une licence en multiculturalité et un emploi à la radio ABC, en 1992, où elle produit aujourd’hui un service en khmer. En 2000, elle passe une maîtrise en développement et créé en 2003 un fonds pour les enfants cambodgiens.

« J’ai perdu tellement d’années. Je dois les rattraper ».

Aujourd’hui, Seda est mariée à un Australien et a un fils de 18 ans.

Mais quelquechose l’empêche d’être heureuse.

« Je vais porter cette culpabilité toute ma vie… C’est quelquechose qui ne disparaîtra jamais… Il y en a tant qui sont morts ».

Quant au processus légal visant à juger d’anciens cadres Khmers rouges, et qui sera lancé lundi avec la prestation de serment de juges, Seda estime que l’argent pourrait être mieux utilisé.

« Ils dépensent des millions pour juger quelques personnes… Est-ce que cela les vaut, alors que des gens meurent de faim et ne reçoivent aucune éducation? ».

raffi
Author: raffi

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