Ce devait être le temps fort du Forum international de la diplomatie, organisé par le gouvernement turc à Antalya, sur le littoral turc de la Méditerranée, et en tout cas du dialogue arméno-turc, engagé à Moscou en janvier et poursuivi à Vienne en février. Mais la guerre en Ukraine a éclipsé le processus de normalisation arméno-turc, encouragé tant par la Russie que par l’Occident, bousculant l’agenda d’un Forum, dont le point d’orgue a été la rencontre entre le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov, et son homologue ukrainien Dmytro Kuleba, dont le premier face à face depuis l’offensive russe sur l’Ukraine, le 24 février, se tenait donc en territoire turc. Les pourparlers ont surtout permis à la Turquie, hier encore présenter comme belliqueuse, de se poser en médiateur dans un conflit dans lequel elle peut difficilement rester neutre, en sa qualité de membre de l’Otan, entretenant par ailleurs d’excellentes relations avec Kiev. Mais les discussions n’ont donné lieu à aucun compromis dans une guerre qui se durcit chaque jour davantage. S.Lavrov, dont les occasions de se faire entendre sur la scène internationale, où la Russie est ostracisée, sont plutôt rares, s’est consolé en rencontrant, en marge du Forum d’Antalya, les ministres des affaires étrangères d’Arménie et d’Azerbaïdjan, cultivant ainsi son image de diplomate alors qu’il est présenté partout comme un apôtre de la force. Le chef de la diplomatie russe n’a pas été toutefois en mesure de parrainer une rencontre entre ses homologues arménien et azéri, avec lesquels il a eu des entretiens séparés, pour évoquer la mise en œuvre des accords négociés par la Russie en vue de dissiper les tensions à la frontière arméno-azérie et de rouvrir les axes de transport entre les deux Etats du Sud Caucase. Selon le ministère russe des affaires étrangères, S. Lavrov aurait convenu avec son homologue azerbaïdjanais Jeyhun Bayramov de la nécessité d’accélérer les préparatifs d’une seconde étape de discussions de la plateforme multilatérale chargée de promouvoir la paix et la coopération économique au Sud Caucase. La plateforme comprend l’ Arménie, l’Azerbaïdjan, la Russie, la Turquie et l’Iran. La Géorgie que la Turquie souhaitait associer à ce processus dans ses propositions de l’été 2021, s’est retirée avant même le conflit en Ukraine, qui a ravivé les tensions entre Moscou et Tbilissi, qui a demandé son adhésion à l’Europe, rendant très improbable une éventuelle participation dans un tel format à cet espace de dialogue, dont rien ne dit d’ailleurs qu’il pourra résister aux nouveaux vents de guerre froide que fait souffler la guerre en Ukraine. Les entretiens entre S.Lavrov, J. Bayramov et le ministre arménien des affaires étrangères Ararat Mirzoyan inerviennent après une série de violations du cessez-le-feu le long de la frontière arméno-azerbaïdjanaise ainsi que dans différents villages du Haut-Karabagh, bombardés par les forces azerbaïdjanaises au cours des derniers jours. Les forces russes de maintien de la paix stationnées dans le Karabagh seraient intervenues pour empêcher une escalade des tensions, sur fond d’inquiétudes parmi la population arménienne après des rumeurs faisant état d’un départ de ce contingent pour cause de guerre en Ukraine, rumeurs aussitôt démenties. “Nous ne sommes pas rencontrés depuis un certain temps, et il y a beaucoup à dire”, aurait déclaré A. Mirzoyan à S. Lavrov en engageant le dialogue en marge du Forum d’Antalya. Le ministre arménien des affaires étrangères, qui avait accompagné la veille le premier ministre arménien Nikol Pachinian à Paris pour une visite de travail, a ainsi informé S.Lavrov des conséquences des « actions de provocations » de l’Azerbaïdjan et a appelé à ce que les “mesures nécessaires soient prises pour apaiser les tensions et prévenir les incidents” dans la zone du conflit. Les deux ministres se sont montrés d’accord sur la nécessité de relancer les négociations arméno-azéries en vue d’un “règlement durable et global du conflit du Haut-Karabagh”, a indiqué le ministère arménien dans un communiqué. Le même objectif avait été rappelé la veille à Paris lors de la rencontre entre E. Macron et N.Pachinian. MM. Lavrov et Mirzoyan ont aussi discuté des “relations alliées ” entre la Russie et l’Arménie et des moyens de les “renforcer davantage”, ajoute le communiqué. Dans ses remarques liminaires, citées par le ministère arménien des affaires étrangères, S.Lavrov aurait souligné l’importance de la visite officielle que doit effectuer N. Pachinian à Moscou début avril, pour célébrer le 30e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Russie et l’Arménie. “Je suis convaincu que cela contribuera à renforcer nos liens d’alliés”, aurait déclaré le chef de la diplomatie russe.
