Sevan Nichanian a fait le plein pour sa première prestation en France depuis qu’il s’est échappé des geôles turques le 14 juillet dernier. Il ne restait en effet pas un siège de libre dans la salle Nourhan Fringhian le 10 décembre pour cette réunion-débat organisée par Sourp Khatch Tebrevank et Armenian Council of Europe avec le soutien de Nouvelles d’Arménie Magazine.
L’invité unique de ce meeting n’a quant à lui pas failli à sa réputation. Considéré comme l’une des personnalités le plus engagées de ce qu’il reste de la communauté arménienne de Turquie, il s’est livré deux heures durant à un exposé passionnant sur la situation politique du pays, tout en revenant sur son histoire personnelle qui lui avait valu d’être condamnée à plusieurs reprises à de lourdes peines de prison, dont une de 16 ans en 2014, au motif d’avoir enfreint la loi sur les constructions immobilières. Il s’était en effet lancé dans la promotion d’un village alternatif, créé sur le modèle de l’architecture rurale égéenne, sans permis de construire. Ce qui est courant dans cette région. Mais c’est clairement son combat contre le nationalisme turc et ses déclarations blasphématoires à l’égard du prophète qu’Erdogan a voulu lui faire payer. A ce propos, Sevan Nichanian, dans le droit fil sa liberté de pensée, a nuancé le rôle de l’autocrate dans la situation en Turquie, tout en mettant en exergue sa capacité hors normes à avoir su jouer avec les ressorts nationalistes et religieux du pays. Soulignant le poids de l’Etat profond, il a fait état de la « naïveté » de ceux – dont il était-, qui avaient cru que la transformation de la Turquie était à portée de main au début des années 2010.
Sévan Nichanian est également revenu sur son histoire personnelle. Il a notamment rapporté des épisodes insolites de sa vie carcérale, au cours de laquelle il s’est retrouvé enfermé dans une cellule avec 20 malfrats, pour la plupart incultes, dirigées par un trafiquant de drogue et un proxénète. Un groupe plutôt « populaire » avec lequel il a pu nouer un dialogue et dont il a fini par être respecté. Il a aussi suggéré que son évasion n’avait pas été pour déplaire aux autorités turques qui, en ne lui rendant pas la tâche impossible, avaient ainsi trouvé un moyen de se débarrasser d’un personnage encombrant.
Cette soirée passionnante a fait une grande place au jeu des questions-réponses, posées par l’assistance arménienne, mais également de nombreux opposants turcs et kurdes présents.
Il est enfin à noter que Luc Carvounas, député socialiste d’Alfortville a reçu dans l’après-midi de lundi Sevan Nichanian, qui était accompagné d’une délégation de l’Armenian Council of Europe conduite par Saro Mardiryan.
