C’est le film dont tout le monde parle, celui qui, fait extraordinaire, a les honneurs des medias français. Y compris du 7h50 de Léa Salamé sur France Inter. Sans doute aussi car le magnifique « Si le vent tombe » de Nora Martirosyan a fait partie de la Sélection officielle 2020 du Festival de Cannes.
A 47 ans, cette cinéaste arménienne vivant à Montpellier a choisi de
raconter l’histoire d’un auditeur international, Alain Delage (Grégoire
Colin), qui débarque dans cette république autoproclamée pour expertiser
l’aéroport, flambant neuf: le bâtiment fait la fierté nationale, mais en
raison de l’imbroglio politique, n’a jamais pu servir.
Empreinte de poésie et de surréalisme, l’histoire est inventée, mais
l’aéroport, perdu dans les vastes plaines du Caucase, existe bien. Ses
difficultés pour ouvrir aussi.
A la connaissance de Nora Martirosyan, il s’agit de l’unique long-métrage
de fiction tourné dans cette région séparatiste d’Azerbaïdjan à majorité
arménienne. Et du premier film arménien sélectionné à Cannes (édition 2020)
depuis des décennies.
« J’ai découvert ce pays il y a onze ans et j’ai été saisie par l’absurdité
de la situation: j’avais un pays devant moi, mais qui n’existe pas sur les
cartes », explique la réalisatrice à l’AFP. « De toutes ses forces, le
gouvernement, les habitants faisaient semblant d’une forme de normalité ».
Tourné au milieu des vastes étendues de la région, le film fait écho à
cette situation suspendue, où la paix ne tient qu’à un fil. Il joue aussi du
décalage avec le point de vue de l’auditeur international, dont la neutralité
affiché et les certitudes se fracassent sur la réalité et les aspirations du
peuple du Haut-Karabakh.
Filmer sur les lieux, c’était « comme avoir un énorme studio à l’échelle
d’un pays », relate Nora Martirosyan. Et pour l’équipe, une dizaine de Français
dont l’acteur Grégoire Colin dans le rôle principal, et des Arméniens, ce
« n’était pas juste comme une occupation, ça faisait sens ».
Un sens et une portée qui vont être bouleversés par le retour de la guerre,
à l’automne 2020, quelques mois après le tournage. Ce qui devait être un film
sur le destin absurde des habitants d’une République sans reconnaissance
internationale, devient aussi l’unique témoignage sur grand écran d’une
période révolue.
« Plusieurs lieux du tournage, dont des villages, sont passés de l’autre
côté, on n’y a plus accès, des personnes ont été déplacées », expliquait en
février la réalisatrice. « C’est particulier de regarder aujourd’hui le film,
avec ces nouvelles frontières redessinées. L’aéroport, aujourd’hui, ce sont
les militaires russes qui y sont, et ils veulent le faire fonctionner comme
aéroport militaire ».
Il n’a pas été question pour autant de revoir le montage du film, au fil
des mois de confinement qui se sont écoulés avant la sortie: « Tel qu’il est »,
il raconte « une vérité, le cessez-le-feu et une espèce de fausse paix qui a
duré trente ans », déclare Nora Martirosyan.
Avec AFP
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-25-mai-2021
À partir du 26 mai dans une soixantaine de salles en France.