Stepanakert : la glissade (in) contrôlée vers Moscou ?, par Hakob Badalyan

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Depuis le 9 novembre, date de la fin de la guerre, l’Arménie et l’Artsakh se retrouvent dans un contexte inédit avec un nouvel impératif : trouver le moyen de sortir le pays de l’effondrement qu’il vient de connaître. L’harmonie et la concertation entre Erevan et Stepanakert sont plus indispensables que jamais. Dans un tel contexte, la question du pouvoir à Stepanakert, le paysage politique intérieur et le rapport des forces présentes en Artsakh deviennent essentiels. Un constat d’abord : la construction et l’architecture du pouvoir mis en place au printemps 2020 est en plein délitement depuis la fin de la guerre. Ce pouvoir n’a pas eu le temps de prendre son élan ; c’est la guerre qui a pris le sien avec son cortège d’horreurs. L’Artsakh doit désormais résoudre la difficile question d’un nouveau pouvoir. La tournure que prendra la question artsakhiote sur la scène internationale, tout comme l’émergence du nouveau paysage politique intérieur, seront des éléments décisifs. Même si, aujourd’hui, c’est toujours l’incertitude qui domine.

Des élections anticipées ?

Peu de temps après la guerre, le président de la République d’Artsakh, Arayik Haroutounian a appelé à mettre de côté les différends politiques et a insisté sur la nécessaire formation d’un gouvernement d’union nationale. Il a aussi quitté la présidence du parti Azad Hayrénik (Patrie Libre), majoritaire au Parlement. Notons qu’un ou deux jours avant cette décision, il s’était rendu à Moscou, pour une visite passée inaperçue et qui, selon les médias arméniens, avait pour but de préciser son avenir politique. La première nomination issue de cette nouvelle logique de gouvernement d’union nationale a été celle du secrétaire du Conseil de Sécurité, Vitaly Balassanian. Il a remplacé Samvel Babayan qui avait quitté ses fonctions immédiatement après la fin de la guerre. Jusqu’au déclenchement de la guerre, Balassanian faisait partie de la frange la plus dure de l’opposition. Candidat et rival d’Arayik Haroutiounian lors de la dernière élection présidentielle, il est à la tête du parti Justice, une des cinq forces représentées au Parlement. Vitaly Balassanian est un général à la retraite. Adversaire déclaré de la Révolution de velours en Arménie, il n’a cessé de critiquer le nouveau pouvoir à Erevan et par ricochet, Arayik Haroutiounian qui collaborait étroitement avec les nouvelles autorités. Quelques semaines après son voyage à Moscou, Haroutiounian a donc nommé l’un de ses plus farouches opposants au poste de secrétaire du Conseil de Sécurité.
Ce n’est pas tout : peu de temps après, il a annoncé l’octroi de pouvoirs élargis au Conseil et le passage sous le contrôle de ce dernier de l’ensemble des forces militaro-sécuritaires. En d’autres mots, la gestion de toutes les forces armées a été confiée à Vitaly Balassanian. Le président Haroutiounian a également évoqué la possible organisation d’élections anticipées. Quelques jours plus tard, il a aussi déclaré qu’il ne se présenterait pas aux prochaines élections et se retirerait de la vie politique. De son côté, Vitaly Balassanian a accordé une interview à la fin de l’année, qui par son ton et son contenu pouvait être assimilée à l’interview d’un dirigeant de facto de l’Artsakh. Dans cet entretien, Vitaly Balassanian préconise une gouvernance plus dure, il parle en même temps de son intention de rendre le bloc militaro-sécuritaire indépendant d’Erevan, sous-entendant ainsi qu’il envisage une plus large coopération avec la Russie. Balassanian est même allé jusqu’à ne pas exclure l’octroi de passeports russes aux Artsakhiotes.
Après cette interview, le porte-parole d’Arayik Haroutiounian a confié qu’il était prématuré de parler d’une date d’élections anticipées et, qu’en tout état de cause, le président de la République ne démissionnerait pas avant le mois de mai. Signe des temps, le 3 janvier 2021, le président de l’Artsakh a participé à Erevan à la réunion du Conseil de sécurité d’Arménie, dirigée par Nikol Pachinian. Cela a aussitôt déclenché une déclaration commune du parti Justice de Balassanian et du parti Dachnaktsoutioun d’Artsakh, dans laquelle Arayik Haroutiounian est accusé d’enfreindre les principes d’union nationale. Le parti Justice a aussi lancé un appel, aux forces politiques en Arménie, les invitant à obtenir la démission du Premier ministre Pachinian, dans les plus brefs délais.

Motiver Moscou à les soutenir davantage

Dans la chronologie de ces événements, on perçoit clairement le conflit entre les nouvelles autorités de l’Arménie et l’ancien régime, sur la question de la restructuration politique en Artsakh. Cette lutte était visible, immédiatement après la révolution de velours : ayant perdu le pouvoir en Arménie, l’ancien régime essayait de recouvrer des positions en Artsakh. Ce qu’il n’a pas réussi à faire jusqu’à la guerre. Depuis la fin des hostilités, on assiste à une nouvelle tentative. Par ailleurs, l’ancien régime essaie clairement d’exploiter au mieux la présence militaire et la domination russes en Artsakh. Actuellement, le contingent de forces de paix russes a obtenu au moins le statut d’une autorité parallèle.
Pour mener à bien la réorganisation du paysage politique en Artsakh, l’ancien pouvoir et Vitaly Balassanian essaient explicitement de s’appuyer sur cette nouvelle donne pour motiver davantage Moscou à les soutenir, en activant leurs relations politiques et économiques en Russie. Erevan tente cependant de réagir au travers de discussions avec Arayik Haroutiounian afin d’empêcher la mise en place d’un pouvoir politique diamétralement opposé, qui serait sous l’influence de Moscou plutôt que sous celle d’Erevan. En même temps, un contrôle direct sur Stepanakert, poserait peut-être un problème stratégique à la Russie dans le contexte de ses plans régionaux, vu sa présence militaire accrue en Artsakh. Nous avons d’un côté cette réalité, quoi qu’on puisse en penser, d’un Artsakh dont la sécurité est excellemment assurée par la Russie, et de l’autre, à cause justement de cette présence militaire russe, le risque de voir Stepanakert se détourner de l’influence politique d’Erevan pour basculer dans l’orbite de Moscou. La politique russe étant régulièrement en contradiction avec les intérêts arméniens, il n’est pas difficile d’imaginer les risques d’une telle transformation du pouvoir à Stepanakert.

Hakob Badalyan
Traduit par Hilda Kechichian

La rédaction
Author: La rédaction

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