Suisse : Lors de sa remise du Prix Marcel Benoist 2005 Othmar Keel évoque le génocide des Arméniens

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Suivant la volonté de son fondateur, un avocat français établi à Lausanne et décédé en 1918, le Prix Marcel Benoist récompense chaque année depuis 1920 un scientifique de Suisse qui a fait, selon le testament du fondateur, « la découverte ou l’étude la plus utile dans les sciences, particulièrement celles qui intéressent la vie humaine. » Il s’agit en fait du plus vieux prix scientifique de Suisse.

Selon l’agence de presse internationale catholique Apic, cette année c’est le professeur émérite d’Ancien Testament et d’environnement biblique à la Faculté de Théologie de l’Université de Fribourg, Othmar Keel qui a reçu lundi soir le Prix Marcel Benoist 2005 – une sorte de « Nobel » national doté de 100’000 francs. C’est le conseiller fédéral Pascal Couchepin, chef du Département fédéral de l’intérieur et président de la fondation, qui lui a remis ce prix prestigieux dans une aula de l’Université archicomble et enthousiaste.
Visiblement ému, Othmar Keel – un homme toujours resté modeste malgré sa réputation internationale – a été applaudi par une foule debout dans les travées. Bibliste et historien émérite des religions de l’Université de Fribourg, Othmar Keel s’est vu remettre le diplôme et le chèque qu’il destine à la Fondation « Bible+Orient ». Celle-ci est chargée de gérer de riches collections qui contiennent pas moins de 14’000 objets du Proche-Orient ancien, de l’Egypte à la Mésopotamie, en passant par l’Assyrie, la Judée-Palestine, la Syrie ou la Phénicie. Ces objets sont désormais accessibles au public dans un Cabinet d’exposition situé dans les bâtiments de l’Université, à Miséricorde.

Expert mondialement connu pour l’analyse d’objets d’art moyen-orientaux

L’auditoire de l’alma mater friburgensis était comble – près de 300 personnes, du monde de la culture, de la science et de la politique fédérale et cantonale, ainsi que de nombreux amis du récipiendaire – pour cette cérémonie empreinte d’émotion. Le fondateur du Prix étant un citoyen français, l’ambassadeur de France Jean-Didier Roisin avait également fait le déplacement de Berne. Les mélodies et des chants traditionnels yiddishs, interprétés par le Trio Avodah, dans les interludes musicaux, empreignaient une atmosphère à la fois solennelle et joyeuse.

Le Conseil de la fondation avait choisi cette année de distinguer Othmar Keel pour son œuvre originale et mondialement reconnue qui replace l’Ancien Testament, pour mieux le comprendre, dans le contexte culturel et historique dans lequel il est né. Pratiquant une approche interdisciplinaire particulièrement fructueuse, Othmar Keel associe aux outils classiques de l’interprétation de texte (philologie, analyse, etc.) les ressources de l’archéologie et particulièrement de l’histoire de l’art, souligne la Fondation Marcel Benoist.

Fribourg peut aussi jouer « dans le registre de l’excellence »

Elle souligne que le lauréat est ainsi devenu un expert mondialement connu pour l’analyse d’objets d’art moyen-orientaux de dimensions modestes, tels que figurines, amulettes, scarabées et sceaux.

Dans son allocution, le conseiller fédéral Couchepin a souligné que le professeur Keel a montré que la Bible est une interaction entre la pensée religieuse et la vie réelle, « ce qui remet parfois en question les idées reçues ». Il a également relevé que la remise de ce prix est une fête non seulement pour l’homme et le chercheur qui le reçoit, mais également pour toute l’Université.

Un deuxième Fribourgeois honoré en quatre ans

Et de rappeler qu’en 2001, c’était déjà un professeur de Fribourg, Ruedi Imbach, professeur de philosophie médiévale à la Sorbonne et ancien vice-recteur de l’Université de Fribourg, qui avait reçu cette prestigieuse distinction. Pour le ministre fédéral de l’Intérieur, il est ainsi parfaitement possible que l’Université de Fribourg, malgré sa taille somme toute modeste, « joue dans le registre de l’excellence ».

Dans son intervention, au cours de laquelle il s’est demandé si « les religions monothéistes devaient réécrire leurs ‘biographies' », Othmar Keel n’a pas hésité a donner l’exemple du génocide arménien en estimant que la Turquie devait changer sa vision de l’histoire. Mais pour lui, la question est beaucoup plus vaste: elle concerne tout autant le judaïsme que le christianisme et l’islam. Il a estimé que dans tous les cas, c’est la prétention à l’absolu qu’ont ces religions – avec les risques d’extrémisme – qui fait problème. Il a ainsi expliqué que si le christianisme avait repris l’Ancien Testament, il s’est séparé brutalement du judaïsme.

Citant certains passages du Nouveau Testament, il a estimé que leurs fruits ont été terribles, comme on a pu le voir dans la persécution des juifs sous le nazisme. Mais le professeur d’origine schwytzoise – il est né en 1937 à Einsiedeln – a également mentionné l’apartheid en Afrique du Sud et les nationalismes comme celui des colons juifs qui font de la nation un dangereux absolu.

Auteur de plus d’une centaine d’articles scientifiques et d’une quarantaine de livres, Othmar Keel a également été invité à donner plus d’une centaine de cours dans les universités de 15 pays. Il s’est aussi soucié de partager son savoir avec le grand public dans de nombreux articles de journaux, à la radio et à la télévision.

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Author: raffi

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