Turquie : 25 000 à 30 000 musulmans parlent arménien à Khoba

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Info Collectif VAN – www.collectifvan.org – Il existe environ 25 000 à 30 000 musulmans parlant arménien – des Arméniens Hamchen (Hamchentsi), dans la région de Khoba en Turquie. Le Collectif VAN vous propose la traduction d’une interview très intéressante de Sergey Vardanyan, philologue, vice-président de l’ONG Hamshen Compatriotic-Charity, rédacteur en chef du mensuel Hamshen, parue en anglais sur le site www.hetq.am

Interview

“Il existe environ 25000 à 30000 musulmans parlant arménien – des Arméniens Hamchen (Hamchentsi), dans la région de Khoba en Turquie”

Interview de Sergey Vardanyan, philologue, vice-président de l’ONG Hamshen Compatriotic-Charity, rédacteur en chef du mensuel Hamshen Voice

[30 avril 2007]

Selon les éminents historiographes Ghevond et Hovnan Mamigonian, en 789-790 lors de la période de domination arabe de l’Arménie, Shapouh Amadouni, son fils Hamam, et 12 000 de leurs sujets ont quitté la province d’Ararat pour la côte sud est de la Mer Noire, qui faisait alors partie de l’Empire Byzantin. Hamam Amatouni a construit une ville qu’il a appelée Hamamachen, qui s’est transformée en Hamchen. La Principauté Hamchen arménienne était semi indépendante sous la domination des Empire byzantin et de Trébizonde, de Timour Lenk et des Turkmènes. Mais à partir de 1489, la Principauté Hamchen arménienne, qui avait survécu 700 ans, fut intégrée à l’Empire Ottoman. En dépit de tout, les Arméniens Hamchen ont maintenu leur position de semi indépendance.

– M. Vardanyan, il est bien connu que les Arméniens Hamchen ont été soumis à une vague d’islamisation aussi. Quand cela s’est-il produit et combien d’Arméniens Hamchen ont adopté l’islam comme religion ?

– L’histoire de l’islamisation des Arméniens Hamchen est pauvrement documentée, et seuls quelques faits ont été préservés. La raison en est que, premièrement, la région de Hamchen était située à la périphérie de l’Arménie et deuxièmement, la documentation a été perdue ou détruite après 1915. Ceci est d’ailleurs vrai pour l’histoire de toute l’Arménie occidentale. Selon les informations disponibles, nous pouvons supposer que le processus d’islamisation a été rapide dans la région du Hamchen, au début du 18e siècle. Quelques Arméniens convertis de force à l’Islam, sont devenus musulmans en surface, dans l’espoir que la vague passerait et qu’ils pourraient à nouveau revenir au christianisme. Ce que certains ont d’ailleurs fait. Nombreux furent ceux qui moururent lors de ce processus, d’autres s’enfuirent dans différentes provinces. Il n’y a pas de chiffres. Les documents turcs ne mentionnent de toute façon pas que des musulmans vivant dans un village donné ont d’abord été Arméniens, Grecs ou d’une autre nationalité. Il est fort intéressant de noter, selon le livre de Yeremeyev, The Origin of the Turks, (L’origine des Turcs) que les Turcs (y compris les Azerbaidjanais) sont la seule nation qui a changé de race.

C’est-à-dire, qu’étant de type mongoloïde ils se sont transformés en race caucasienne. Ceci est dû aux Arméniens, aux Perses, aux Grecs, aux Slaves et aux autres nationalités assimilées par les Turcs. Certains de ces peuples assimilés ne se souviennent même plus de la nationalité à laquelle ils appartenaient. Ceux convertis depuis peu, bien sûr, le savaient, mais de générations en générations, le souvenir s’est perdu. Certains Arméniens Hamchen ont préservé leur langue jusqu’à aujourd’hui. Ceux qui parlent arménien à présent savent que leurs ancêtres étaient des Arméniens convertis à l’Islam. Comment cela s’est passé, c’est un autre débat. Évidemment, les Turcs diront qu’ils se sont convertis à l’Islam volontairement, mais les chercheurs disent que cette conversion a été le résultat de massacres.

– Combien il y a-t-il de d’Arméniens Hamchen musulmans, parlant l’arménien ?

– Il y a entre 25 000 et 30 000 Arméniens Hamchen musulmans parlant l’arménien dans la région de Khoba en Turquie. Mais, la majorité des Hamshentsis de Bash, qui vivaient au Hamchen proprement dit, ont oublié leurs origines arméniennes. Des Hamshentsis de Bash vivent également à Istanbul, en Allemagne et dans d’autres pays.

– Vivant près de la frontière russo-turque, les Arméniens Hamchen ont réussi à s’enfuir en Russie, par bateau, lors des massacres de 1894-1923 ; de plus, ils se sont défendus contre leurs agresseurs.

– Avant les massacres de 1895 à Trébizonde, les Arméniens du Hamchen pensaient fuir la Turquie. Au cours de cette période, ils sont partis en direction des côtes russe – en Abkhazie, à Sotchi, par bateau. En 1915, le flot des départs a augmenté. En même temps, la résistance, ou Fedayee, est née. Les Arméniens chrétiens de la province de Trébizonde sont partis dans les montagnes et ils ont créé des unités de défense. Certaines familles d’Arméniens musulmans furent massacrées également, car elles parlaient arménien et les Turcs considéraient qu’ils ne pouvaient pas leur faire confiance. Les Arméniens se sont battus de 1915 à 1923. Les derniers réfugiés et fedayees ont atteint les côtes russes en mai 1923. Ce fut une lutte sans précédent, de huit années. Mais cette lutte n’a pas été étudiée de façon appropriée. Je possède de nombreux documents dans mes archives personnelles ; il existe également des documents en d’autres lieux, mais il n’y a pas moyen de les publier.

– Existe-t-il des chiffres sur les Arméniens Hamchen victimes des massacres ?

– Il est difficile de citer toute information chiffrée sur ceux qui furent massacrés. Un prêtre arménien, témoin des massacres de 1895, et à qui les Turcs avaient demandé d’enterrer les corps des victimes, ignorait lui-même les chiffres. Cette information est peut-être conservée dans les archives turques.

– Qu’est-il arrivé aux Arméniens Hamchen partis pour la Russie ?

– La Russie a chaleureusement accueilli les Arméniens chrétiens Hamchen, car elle avait des problèmes pour peupler les régions côtières de la Mer Noire. Les Arméniens, qui étaient habitués aux régions marécageuses, ont été capables de développer la culture du tabac. On trouve également des Arméniens Hamchen musulmans en Russie et en Asie centrale : ils sont environ trois ou quatre mille. Voici comment ils sont arrivés en Asie centrale – en 1921, après la délimitation de la frontière russo-turque, plusieurs villages peuplés d’Arméniens Hamchen musulmans et de Laz se sont retrouvés à l’intérieur des frontières de l’Union soviétique (en Adjarie), et, en 1944 sur ordre de Staline, les Arméniens Hamchen musulmans furent déportés en Asie centrale, ainsi que les Turcs Meskheti et autres musulmans vivant là. En 1984 et en 1987, je suis allé en Kazakhstan, en Ouzbékistan et au Kirghizistan pour y mener une étude ethnographique et historique des Arméniens Hamchen. Au cours de nos conversations, les anciens se souvenaient encore des jours du génocide.

Dans le village de Chirkino, dans la province de Chikmend au Kazakhstan, Iskhak Karaibrahimov (Tchermakyan, né en 1888 dans le village de Gonio en Adjarie) m’a dit qu’il avait accueilli 18 Arméniens réfugiés qui avaient fui Ardvin et d’autres villes, et plus tard qu’il les avait aidés à gagner des lieux sûrs en passant par les forêts.

À Chirkino j’ai également rencontré Khaula Shabanoglu (né en 1898 dans le village de Chaushli), qui avait vu avec quelle barbarie les Turcs avaient tué les Arméniens d’Ardvin. Selon ses dires, les Turcs ont rassemblé les Arméniens Hamchen musulmans, puis les ont apparemment relâchés, car ils étaient musulmans.

À Kyzyl-Kiya, au Kyrgyzstan, Dursun Karabajakoglu (né en 1905 à Gonio, Ajarie) m’a dit que pendant la Première guerre mondiale lui et sa famille sont partis pour Charchakhana où ses oncle vivaient. En 1915, un membre de leur famille, Osman Musoglu, qui désirait rester à l’écart de la guerre, décida de quitter Charchakhana pour aller à Constantinople, mais, parce qu’il parlait Arménien, les Turcs à bord du bateau ont massacré toute sa famille et ils ont jeté les corps à la mer. Selon Dursun Karabajakoglu, bien qu’il fut petit à l’époque, tous les enfants du village savaient qu’il était dangereux de parler arménien. Les Turcs disaient qu’après le massacre des Arméniens chrétiens, ce serait le tour des Arméniens musulmans, car après tout, ils étaient Arméniens.

– Êtes-vous en contact avec les Arméniens Hamchen d’Asie centrale et d’autres régions ?

– À l’époque, j’avais invité les Arméniens Hamchen d’Asie centrale à visiter l’Arménie ou je leur rendais visite. Je voulais éveiller en eux une conscience nationale. Je voulais faire venir environ 30 familles musulmanes d’Asie centrale et environ 100 familles chrétiennes d’Abkhazie. Mais ces projets furent interrompus en raison du tremblement de terre de1988 et des problèmes au Karabakh. Les Arméniens musulmans Hamchen d’Asie centrale n’ont pas de famille ici et c’est pourquoi ils n’ont pas de contacts. Et pour faire des recherches ici, il faut des ressources. Mais je dois dire qu’en 1984 les Arméniens Hamchen musulmans ont quitté l’Asie centrale pour aller dans des villages de la région de Apsheron, dans la province de Krasnodar, parce que l’Asie Centrale était un environnement étranger pour eux. À Krasnodar, les Arméniens Hamchen chrétiens et musulmans sont deux groupes distincts de par leur religion.

Mais, la génération soviétique des Arméniens Hamchen musulmans n’a pas de sentiments religieux très forts, car ils ont peu de contacts avec les mosquées, les mollahs, ou le Coran. Aujourd’hui, nous avons des liens étroits avec les Arméniens Hamchen d’Abkhazie et de Krasnodar. L’ONG Hamchen envoie à la plupart d’entre eux les exemplaires du journal The Voice of Hamshen, gratuitement chaque mois. Ceux qui vivent en Arménie leur rendent visite et vice versa. Je suis aussi en contact avec des conducteurs de poids lourds Arméniens Hamchen, qui transportent des marchandises de Turquie. Parfois, je leur demande de m’aider dans mes recherches relatives au dialecte et au folklore local.

– Donc aujourd’hui, les Arméniens Hamshen résident principalement en Turquie, dans la province de Krasnodar, en Abkhazie, en Asie centrale et en Arménie. Savons-nous combien il y a d’Arméniens Hamchen dans notre pays ?

– Dans les années 1980 et 1990 nous en avions recensé environ 10 000 en Arménie. Ce chiffre est relatif car la notion de Hamshentsi est très vaste, comme d’autres notions similaires. Lorsque nous parlons des Hamshentsi, cela devrait signifier ceux qui ont quitté le Hamchen proprement dit, ou leurs descendants qui parlent le dialecte Hamchen. Mais la charte de notre organisation déclare que cela regroupe les Arméniens d’Abkhazie, des régions de Krasnodar et de Trébizonde et leurs descendants, et également tous ceux qui veulent contribuer à la préservation des Arméniens dans ces régions. En d’autres mots, un Sassountsi peut devenir membre de l’organisation. Malheureusement, à peine cent personnes suivent actuellement nos conventions. Beaucoup émigrent, mais il reste cependant de nombreux Hamshentsis en Arménie.

Interview de Vahe Sarukhanian

Photos de Sergey Vardanyan et Ruben Mangasaryan

http://www.hetq.am/eng/interview/0704-s_vardanyan.html

©Traduction C. Gardon pour le Collectif VAN 2007 – www.collectifvan.org

raffi
Author: raffi

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