Turquie : La grande messe des chrétiens d’Orient

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DE NOS ENVOYÉS SPÉCIAUX SÉBASTIEN DE COURTOIS ET THOMAS GOISQUE.
Publié le 22 décembre 2006

Le figaro magazine

Pour la première fois depuis la fin de l’Empire ottoman, un nouvel évêque a été consacré en Turquie. Le 10 décembre dernier, Syriaques et Arméniens se sont retrouvés près de Mardin, sur le lieu des massacres anti-chrétiens de 1915.

«Nous vivons une journée historique», me lance Elias, un chrétien libanais, au son de la fanfare des scouts syriaques. Venue de Zahlé, une petite ville de la plaine de la Bekaa, la petite troupe a fait huit heures de bus, ce 10 décembre, pour assister à l’événement. Traverser le Liban, la Syrie, et pénétrer en Turquie par Nisibe n’est pas chose facile en cette période de tension. «Pour rien au monde nous n’aurions manqué cette consécration», continue-t-il. Yussef, un Syriaque établi à Jérusalem, me montre fièrement son vieux passeport turc : «Jamais nous n’oublierons la terre de nos pères, cette partie de Turquie orientale est aussi la nôtre !» A ces chrétiens venus des quatre coins du Proche-Orient, il faut encore ajouter ces centaines de Syriaques débarqués d’Istanbul, ou bien ceux arrivés la veille d’Allemagne, de Suède et même de France, comme Daniel, qui habite Chartres. «Chaque famille a envoyé un de ses membres recevoir la bénédiction de notre pape, le patriarche d’Antioche», confie-t-il. Sa grand-mère, restée en France, lui a baisé les mains en partant, «jamais elle n’aurait cru que nous pourrions un jour revenir ici».

En cette matinée ensoleillée, le monastère du Safran a revêtu ses plus beaux ornements. Sur la grande façade flottent le portrait du patriarche syriaque à côté de celui d’Atatürk, le père de la Turquie moderne. Le lieu choisi pour la consécration n’est pas anodin. Pendant plus de dix siècles, le monastère du Safran avait été le siège officiel de l’Eglise syriaque, jusqu’à ce qu’elle soit chassée de ce coin de Turquie en 1923. Depuis, le patriarcat s’est réfugié dans la Syrie voisine, à Damas, d’où le titulaire actuel du siège apostolique d’Antioche, Mar Zakka Ier, gouverne aux destinées des Syriaques orthodoxes.

Le ballet des voitures officielles peut commencer. Symbole très fort, le patriarche arménien d’Istanbul, Mesrob II, apparaît le premier, sous les vivats de la foule. L’émotion est à son comble lorsque, dans son discours, le prélat arménien évoque une «même foi, et surtout une histoire commune». Sans que cela puisse être formulé clairement, par prudence, tout le monde pense à la mémoire des ancêtres, martyrs de la fin de l’Empire ottoman. Peu de temps après arrive, encadré d’un service de sécurité, le préfet turc de Diyarbékir. Très digne, il assiste, au premier rang, sans broncher, aux trois heures de l’office religieux.

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Un moine évêque d’Orient

Faut-il voir dans cet événement un lien avec la visite du pape Benoît XVI ? «Non, c’est un hasard du calendrier, répond du tac au tac Mgr Saliba, l’évêque syriaque de Mardin, nous négocions avec le gouvernement depuis des mois, et ils ont accepté !» Cette célébration est une bonne chose pour tout le monde. Elle prouve que le gouvernement turc sait se montrer ouvert, et pour les Syriaques – pratiquement les derniers chrétiens de Turquie – elle est le signe d’une reconnaissance de leur statut de minorité religieuse.

Dans la petite église du Ve siècle, sise à côté du mausolée des Patriarches, les élégantes d’Istanbul mélangées aux paysannes du Tur Abdin se pressent en nombre. Ceux qui ne peuvent pas entrer suivent la cérémonie à l’extérieur, sur un écran géant. Les longues mélopées en araméen sont retransmises en direct. Dans le choeur, outre les deux pa-triarches présents, huit évêques et métropolites syriaques, venus d’Alep, de Bagdad, de Mossoul, et même de New York, procèdent ensemble à l’élévation du nouvel évêque. Après l’imposition des mains, la lecture des Evangiles, le rappel du grand saint Ephrem, le prélat, habillé des magnifiques vêtements de sa nouvelle fonction, est porté par ses pairs sur un trône pour être présenté aux fidèles. De simple moine, Melke Urek devient évêque, celui d’Adiyaman, une grande ville au centre de la Turquie. Quel destin singulier pour cet homme qui a obtenu avec peine la réouverture de son église en 1999, pour une douzaine de familles ! Depuis, sa communauté a grandi, puisque de nombreuses familles anciennement chrétiennes, converties de force à l’islam après 1915, reviennent peu à peu vers le christianisme. D’après une étude réalisée sur les patronymes de cette ville, 30 000 à 40 000 personnes pourraient être concernées par un tel retour aux sources. Malgré la pression sociale qui pèse sur les nouveaux convertis, tous les espoirs sont permis !

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Author: raffi

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