Plusieurs milliers de juges, de procureurs, d’avocats et de simples citoyens ont manifesté dimanche à Ankara contre l’adoption récente d’une loi élargissant l’accès à la magistrature et créant selon eux un risque de « politisation » des tribunaux.
« Il faut casser le bras de ceux qui veulent mettre la main sur la justice », « la Turquie est laïque et le restera », ont scandé les manifestants, selon les images retransmises par les chaînes de télévision.
De nombreux manifestants portaient des drapeaux turcs et des portraits du fondateur de la Turquie moderne Mustafa Kemal Atatürk.
Adoptée par le Parlement le 1er décembre et promulgée trois jours plus tard par le président de la République Abdullah Gül, la loi élargit les conditions d’entrée dans la magistrature, en permettant notamment aux avocats de devenir juges ou procureurs après avoir passé un examen écrit et oral.
Les défenseurs de la laïcité, qui sont nombreux au sein de la magistrature, soupçonnent le gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamique, de vouloir faciliter par cette loi l’entrée dans les tribunaux de personnels proches de leurs tendances politiques.
Les milieux pro-laïcité accusent régulièrement le gouvernement de vouloir islamiser en catimini la société turque. L’AKP affirme pour sa part avoir tiré un trait sur son passé islamiste et s’être mué en un parti démocrate conservateur.
Des manifestations géantes réunies à l’appel du camp de la laïcité avaient rassemblé des centaines de milliers de personnes au printemps pour tenter d’empêcher l’élection à la présidence de M. Gül, alors membre de l’AKP.
M. Gül a finalement été élu par le Parlement en octobre, après une large victoire de son parti lors d’élections législatives anticipées en juillet. Astreint à la neutralité, le nouveau président a ensuite quitté l’AKP.