Turquie : nationalisme inquiétant des étudiants

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Info Collectif VAN – www.collectifvan.org – Le Collectif VAN vous soumet cette traduction d’un article en anglais paru sur Turkish Daily News du 16 janvier 2008. Constat alarmant en Turquie : la résurgence d’un nationalisme fou semble faire écho, comme nous l’avons souligné à maintes reprises, à l’état d’esprit qui régnait dans l’Empire ottoman, à la veille du génocide arménien de 1915. Le fait que des étudiants turcs aient mis un point d’honneur à peindre un drapeau turc avec leur propre sang, est symptomatique de ce mal qui frappe toutes les couches de la société civile turque. Et il y a de quoi s’inquiéter lorsque l’on sait que le nationalisme turc a toujours trouvé, au cours des siècles passés, un exutoire à sa violence en se défoulant sur les minorités non-turques. Pourquoi s’étonner que ce mal touche désormais les étudiants lorsque l’on apprend dans le même temps que l’Université d’Ankara – avec le concours d’un chercheur français de l’EHESS ! – va commémorer en grandes pompes, en mai 2008, le Centenaire de la Révolution Jeune-Turque ? Rappelons que les Jeunes-Turcs – Talaat, Enver et Djemal -, sont les commanditaires et exécuteurs du génocide arménien de 1915 et qu’ils sont à la Turquie – ou plutôt devraient être – ce que Hitler et les nazis sont à l’Allemagne.

La sombre menace du drapeau de sang

Mercredi 16 janvier 2008

Nos mains qui tiennent des stylos doivent dorénavant manier des armes. Nous voulons avoir l’honneur d’être des martyrs nous aussi, ont écrit vingt étudiants âgés de 16-17 ans, et dont la moitié sont des filles, d’une école de Kýrþehir. Ils ont envoyé cette lettre à un haut Général de l’Armée turque, accompagnée d’un drapeau peint de leur propre sang. La Turquie vivait avec le terrorisme dans le passé, mais une telle réaction est nouvelle, et mérite l’attention qu’elle suscite.

MUSTAFA OÐUZ
ANKARA – Turkish Daily News

Les questions de l’affichage de comportements sentimentaux, patriotiques ou nationalistes refont une fois de plus surface avec l’initiative dramatique de 20 étudiants de la ville d’Anatolie centrale de Kýrþehir, qui se sont piqués les doigts pendant deux mois pour peindre de leur sang un drapeau turc, qu’ils ont ensuite fait encadrer et qu’ils ont présenté au Chef de l’Etat-major des Forces armées turques.

Un élan nationaliste est la première explication qui vient à l’esprit pour expliquer ce genre de comportement, tandis que les experts sont d’accords pour dire qu’aujourd’hui, cela peut aboutir à des résultats différents de ceux survenus dans le passé.

Nilüfer Narlý, professeure de sociologie à l’Université Bahçeþehir, souligne les différences de la nouvelle vague nationaliste qui a balayé le pays ces dernières années ; elles sont dues à l’augmentation des attaques terroristes du Parti illégal des Travailleurs du Kurdistan (PKK) contre des militaires et des civils. “ Depuis septembre surtout, les médias ont beaucoup couvert les funérailles des martyrs”, a dit Narlý lors d’une interview téléphonique avec le Turkish Daily News.

Les médias ne sont pas les seuls acteurs responsables de cette couverture excessive. “Des organisations non gouvernementales mettent l’accent dessus également. “Le résultat est que les sentiments nationalistes dans les écoles et universités augmentent” dit Abbas Güçlü, un éditorialiste et expert en éducation au quotidien Milliyet. Des médias très répandus et la société civile se fixent sur les funérailles des martyrs et cela peut devenir un stimulant pour des réactions psychologiques, comme celle des étudiants de Kýrþehir. Le Professeur, Ali Dönmez, qui détient la chaire du département de psychologie à l’Université d’Ankara, a déclaré que les sentiments d’anxiété déclenchent de tels comportements. “Les gens ne se sentent pas en sécurité dans un état d’une ambiguïté perçue” a-t-il dit.
Les nouveaux médias amplifient les perceptions de menaces

Les étalages d’un nationalisme fervent ne sont pas nouveaux en Turquie, mais ils ont changé avec l’environnement technologique d’aujourd’hui, selon les experts. “Dans les années 1990, les attaques terroristes étaient considérées comme des événements locaux, qui nécessitaient une réaction des forces de sécurité locales. Aujourd’hui, tout le monde se sent responsable”, affirme Narlý. Des gens avec des drapeaux descendent dans la rue et la protestation publique s’est exprimée dans les rues en septembre et en novembre, a dit Narlý. “Des gens âgés de 7 à 70 ans sont mobilisés”, dit-elle.

Partager une responsabilité de façon émotionnelle peut être positif, selon Güçlü. “Les sentiments nationalistes étaient sur le déclin, et ceux qui revendiquaient leur nationalisme étaient même méprisés”, dit-il. Mais la Turquie doit prendre conscience des possibles résultats négatifs qui peuvent résulter de cette poussée nationaliste, a-t-il ajouté.
“Si ces sentiments ne sont pas contrôlés, ils seront la source d’un problème sérieux pour la Turquie à l’avenir. Nous devons nous rappeler que la loi est la doctrine de base de notre pays. Les gens ne devraient pas prendre entre main certains sujets”, a dit Güçlü. Narlý a également dit que protester et montrer ses réactions contre le terrorisme était nécessaire, mais les citoyens doivent s’en tenir à des méthodes pacifistes de protestation. Dönmez a fait écho à son avertissement en disant que les sentiments nationalistes pouvaient prendre une forme différente et dangereuse. “Nous ne sommes pas en guerre ou quelque chose de ce genre. C’est un combat contre une organisation terroriste”, a dit Dönmez.

La perception d’une menace est un facteur crucial pour expliquer l’ampleur de la réaction publique qui est actuellement en train de dépasser tout ce dont nous avons été témoins dans les années 1990, selon Narlý. “Il existe une inquiétude massive sur une possible désintégration territoriale. Cela est considéré comme une menace, utilisée pour expliquer le ralentissement du processus de réformes pour l’Union européenne depuis 2005,” dit Narlý, ajoutant que les nouvelles techniques de communication sont la cause de réactions explosives également, influençant les jeunes pendant leur période de socialisation politique. “Les jeunes utilisent efficacement Internet et ils organisent des discussions en ligne sur des forums”, dit Narlý.

Les réactions voilent un avenir épineux

La façon dont les réactions nationalistes des étudiants se sont manifestées, c’est-à-dire en répandant du sang et en évoquant le martyr, provient d’un manque de valeur communes autour desquelles la Turquie pourrait se rassembler, a dit Güçlü. “ Les matchs de football et les funérailles des martyrs sont deux phénomènes qui attirent particulièrement l’attention collective, a-t-il dit. Les étudiants qui ont peint le drapeau avec leur sang ont déclaré au quotidien Sabah qu’ils s’étaient retrouvés hors de l’école pendant deux mois afin de parfaire leur cadeau au général Yaþar Büyükanýt. Les étudiants ont également dit qu’ils désiraient tenir des armes au lieu de stylos, dans la lettre qui accompagnait le drapeau de sang.

Leurs expressions de courage et d’auto sacrifice pour le pays ne peuvent cependant masquer une grave réalité qui contredit la ferveur nationaliste. “Si nous leur donnons des armes, et si nous les envoyons au front, ils iront. Mais un sondage nous dit que 70% des jeunes préfèreraient vivre à l’étranger s’ils en avaient l’opportunité”, dit Güçlü. Qu’est-ce que les hommes politiques offrent à la jeunesse de ce pays ? Ils terminent l’école et l’université dans des conditions difficiles et ils finissent au chômage” dit-il.

©Traduction C.Gardon pour le Collectif VAN – 17 janvier 2008 – 20:30 – www.collectifvan.org

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Author: raffi

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