Les visites diplomatiques s’enchaînent à une cadence soutenue en Turquie. Olli Rehn, commissaire européen à l’élargissement, vient d’achever une visite dans le pays.
Olli Rehn a présenté à Recep Tayyip Erdogan les propositions de la présidence finlandaise pour sortir de l’impasse chypriote. « Ce pourrait être la dernière opportunité », a-t-il prévenu. Mais, au lieu d’un règlement de la question, une nouvelle crise a été évitée de justesse à propos d’une délégation de députés européens, membres de la commission sur l’environnement. La présence, dans cette commission, d’un Chypriote grec, Marios Matsakis, connu en Turquie pour ses provocations antiturques, a rendu furieuse Ankara.
M. Rehn a également insisté sur la question de la liberté d’expression, estimant qu’il s’agissait d’une « ligne rouge » pour l’UE. Fervent partisan de l’adhésion de la Turquie, il pourrait rendre un rapport très négatif si cette question reste également en suspens. Au cours d’un entretien avec des députés turcs, M. Rehn a été interpellé par Yasar Yakis, président de la commission des affaires européennes au Parlement. Celui-ci a accusé l’UE de « mettre cette question sur la table au moment où la Turquie doit discuter de la taille des concombres ». Mais l’un des articles « liberticides » du code pénal, l’article 301, a permis à un groupuscule nationaliste de poursuivre devant les tribunaux des dizaines d’intellectuels turcs, écrivains, éditeurs, journalistes, pour « insulte à l’identité nationale turque ». Bien que le ministre de la justice, Cemil Cicek, y soit opposé, une réforme ou une abolition de cet article serait à l’étude.
En revanche, M. Rehn, tout comme son collègue Louis Michel, a réaffirmé que la reconnaissance du génocide arménien ne constituait nullement un préalable à l’adhésion de la Turquie, contredisant le dernier rapport de la commission des affaires étrangères du Parlement européen, ainsi que les déclarations de Jacques Chirac en Arménie, samedi 30 septembre.
En Turquie, la tendance n’est pas vraiment à la réforme. A huit mois d’une élection présidentielle déterminante, la candidature européenne est en train de diviser le pays en deux camps. L’AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir, est la cible de critiques de plus en plus virulentes de la part de l’opposition laïque et des militaires.