Le monastère Davit Garedji, perché sur une falaise à la frontière orientale de la Géorgie, convie depuis plus d’un millénaire à la contemplation, mais il est aujourd’hui également susceptible de déclencher un conflit diplomatique entre Tbilissi et Bakou en raison d’une frontière litigieuse.
Une poignée de moines orthodoxes géorgiens habitent toujours ce monastère fondé au début du 7e siècle, moins de deux siècles après la christianisation de la Géorgie.
Leur vie de reclus n’est troublée que par les visites occasionnelles de touristes qui viennent en car depuis la capitale géorgienne, Tbilissi, distante de 85 kilomètres.
Derrière le monastère, un étroit sentier monte en zigzagant vers une arête rocheuse d’où il est possible de voir, d’un côté, la partie orientale de la Géorgie et, de l’autre, les steppes arides de son voisin musulman, l’Azerbaïdjan.
Plus de 15 ans après leur accession à l’indépendance suite à l’effondrement de l’URSS, ces deux pays ne sont toujours pas parvenus à délimiter 35% de leur frontière commune.
Ils réclament, chacun de son côté, la partie de territoire où s’élève le monastère.
« C’est une terre sainte, mais malheureusement cela ne signifie pas que nous sommes protégés de la politique », se désole un des moines de Davit Garedji, Zaza Datounachvili.
Malgré des différences culturelles et religieuses, les deux pays se sont rapprochés récemment, notamment après un refroidissement de leurs relations avec la Russie qui voit d’un mauvais oeil la politique pro-occidentale des deux anciennes républiques soviétiques.
Mais cette nouvelle amitié pourrait s’avérer fragile dans la complexe mosaïque de nations qui composent le Caucase, une région où l’histoire et la tradition occupent une place primordiale.
La dispute frontalière a ressurgi en avril lorsque le vice-ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères, Khalaf Khalafov, a indiqué qu’il était « hors de question » pour l’Azerbaïdjan d’abandonner ses revendications sur le territoire frontalier qui inclut Davit Garedji.
M. Khalafov a provoqué la controverse en déclarant notamment que le monastère faisait partie à l’origine de l’Albanie du Caucase, un royaume chrétien qui existait jadis sur le territoire de l’Azerbaïdjan.
Les autorités azerbaïdjanaises assurent également que les hauteurs voisines du monastère sont essentielles pour assurer la sécurité du pays.
La réponse géorgienne ne s’est pas fait attendre. Le ministre géorgien des Affaires étrangères, Bela Bejouashvili, a enjoint son collègue azerbaïdjanais à « prendre des leçons d’histoire », tandis que des manifestations étaient organisées devant l’ambassade azerbaïdjanaise.
Le président géorgien Mikheïl Saakachvili a cherché à minimiser l’importance de la dispute affirmant que celle-ci pouvait être résolue par le dialogue.
Mais aucune des deux parties ne semble prête à faire des compromis.
« Les Géorgiens ne céderont jamais ce territoire quoi qu’il advienne », affirme Giga Boukia, député au parlement géorgien du Parti conservateur (opposition), qui accuse le gouvernement d’adoucir sa position sur le monastère Davit Garedji afin de s’assurer une aide financière de Bakou. « L’Azerbaïdjan n’a aucun droit historique sur ce territoire », dit-il.
A Bakou, l’historien Ismaïl Umudlu soutient que le territoire incluant le monastère n’a fait partie de la Géorgie qu’à partir du 12e siècle après la dispariton de la culture albanienne.
« Dire que ce monastère a été fondé par les Albaniens du Caucase est ridicule », s’exclame le moine Datounachvili. « C’est la même chose que de dire que les Géorgiens ont construit la Grande Muraille de Chine ».