LOS ANGELES (AFP) – L’avocat Vartkes Yeghiayan s’est lancé dans une longue et rude bataille à coup de millions de dollars contre les géants américain et français, en faveur de revendications d’Arméniens qui remontent aux temps du déclin de l’Empire Ottoman.
Des milliers de polices d’assurance impayées, en possession d’Arméniens en dispersés à travers le Monde, ont afflué vers la petite compagnie d’avocats de Yeghiayan à Glendale, une banlieue de Los Angeles où se trouve la plus grande concentration d’Arméniens des USA.
Au terme d’une croisade de deux décennies, Yeghiayan et une petite équipe d’avocats ont obtenu 37,5 millions de dollars après être parvenus à une transaction dans deux procès contre New York Life en 2004 et plus tard en 2005, contre l’assureur français AXA dans les tribunaux de Californie.
Mais l’avocat aux cheveux d’argent, âgé de 71 ans est pragmatique quant à sa recherche d’un compromis financier pour les héritiers d’Arméniens titulaires de contrat, et qui ont perdu leur vie ou leur patrimoine dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale, avant la naissance de la Turquie moderne en 1923.
Les Arméniens disent qu’au moins 1,5 million d’entre eux furent tués entre 1915 et 1917 dans ce qu’ils appellent une campagne de déportation et de meurtre par l’Empire Ottoman. Ces affirmations sont niées par la Turquie, qui dit qu’il y a eu des tués par centaines de milliers de part et d’autre après que les Arméniens aient pris les armes pour leur indépendance.
Plusieurs membres de la propre famille de Yeghiayan périrent, dont son grand père, bien que son nom ne figure pas dans ses listes de polices d’assurance qui ne furent jamais honorées.
« Il ne s’agit pas de procès du génocide. Ce dont nous parlons concerne des compagnies faisant du profit immoral, » dit le précédemment Directeur Assistant de Peace Corps.
« Ce n’est pas pour l’argent. C’est l’idée que votre grand-père pensait être en danger et recherchait une future protection pour sa famille. Comme l’un des bénéficiaires disait, c’est un sentiment que je chérirai toujours’. »
Les héritiers de 9 500 Arméniens ottomans qui avaient souscrit des polices sont fondés à bénéficier du montant des transactions de New York Life et AXA, qui ont de plus à supporter plus de sept millions de dollars en frais de justice et honoraires. Les fonds non réclamés ont été réservés pour les Associations caritatives arméniennes et l’Eglise.
L’odyssée de Yeghiayan commença en 1986 alors qu’il lisait les mémoires de l’Ambassadeur US en Turquie Ottomane, Henry Morgenthau.
Lors d’une rencontre avec le ministre de l’intérieur Mehmet Talaat Pacha, il fut demandé à Morgenthau une liste d’Arméniens qui avaient souscrit des polices d’assurance près des compagnies américaines. Le ministre turc arguait que l’Empire Ottoman en était le bénéficiaire en droit étant donné l’absence d’héritiers.
Morgenthau, qui avait transmis à Washington un rapport sur les horreurs dont ses consuls avaient été témoins, quitta la réunion avec fracas.
Pour Yeghiayan, ce passage fut un moment de révélation. « C’est à cet instant que j’ai bondi hors de mon lit » dit Yeghiayan.
Avec l’enthousiasme d’un détective, il se lança dans une massive traque aux documents qui l’amena du Département d’Etat aux Archives Nationales et finalement dans les rapports annuels comptables et les archives anciennes.
Prenant des paris, comme lorsqu’il rejeta initialement une offre de transaction, il sollicita l’aide d’Arméniens influents dans la hiérarchie politique de Californie pour l’aider à réduire les obstacles légaux.
Dans le compromis AXA de novembre 2005, la plus grande partie des quelques 9 000 réclamations vinrent d’Arménie, où une campagne d’affiches donnait les détails relatifs au procès et la recherche de demandeurs, suivie par les Etats-Unis, puis la France.
Comme dans le procès précédent au New York Life, pour lequel les fonds ont déjà été déboursés, des demandes de pays aussi éloignés que le Brésil, la Bulgarie et le Liban furent également présentées.
Selon les termes de la transaction, New York Life niait avoir commis un quelconque méfait, mais « concluait qu’il était de son intérêt de transiger dans cette affaire… en sorte d’éviter la dépense, le dérangement et l’interférence avec ses affaires en cours qui pourraient résulter de la poursuite de ce litige devant les tribunaux.
Mais les chasseurs de trésor seront déçus – l’attribution moyenne par police s’élève aux modestes 6 000 ou 7 000 dollars dans les cas dits Class Action.
Nullement découragé par de récents revers en Justice Yeghiayan tourne à présent son regard vers La Deutsche Bank et la Dresdner Bank en Allemagne.
La Deutsche Bank a répondu à AFP qu’elle “ne fait pas de commentaires sur des procédures légales en cours,” mais les deux banques, par la voix de leurs avocats, ont nié toute responsabilité, arguant du fait que les poursuites constituaient une ingérence « inconstitutionnelle » dans les Affaires Etrangères de l’Allemagne.
Malgré une intervention urgente au cur en 1999, Yeghiayan n’a aucune intention d’abandonner « Je réalise qu’il peut y avoir en face 3000 avocats et que Vartkes ne sera pas là éternellement, mais que ferais-je si j’étais à la retraite ? »
Traduction Gilbert Béguian