Un moment mal choisi pour voter sur le génocide arménien par Jane Harman

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Pour la représentante démocrate Jane Harman, la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants n’aurait pas dû voter sa résolution sur la reconnaissance du génocide arménien. Non que la cause ne fût pas juste, mais parce que le moment ne s’y prêtait pas.

Ma propre famille ayant été décimée durant l’holocauste, je ne saurais tolérer que l’on m’accuse de nier l’existence d’actes barbares et inhumains contre un groupe de personnes du fait de différences ethniques, religieuses ou raciales, qu’il s’agisse des juifs, des habitants du Darfour, des Rwandais ou des Arméniens.

C’est pourtant ce qui m’a été reproché la semaine dernière parce que j’ai envoyé une lettre au représentant Tom Lantos, président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, afin de l’inciter à retirer la résolution 106 [sur la reconnaissance du génocide arménien], que j’avais contribué à proposer plus tôt dans l’année. J’y affirmais que le moment était mal venu de voter une telle résolution. Des Américains d’origine arménienne, dont je comprends la passion, ont mal interprété ma décision, y voyant une « négation » du génocide arménien. Rien ne saurait être plus éloigné de la vérité.

Il n’y a aucun doute que le débat qui fait rage à Washington sur le génocide arménien est une affaire personnelle. Des résolutions du même type ont déjà été votées à la Chambre des Représentants à deux reprises, en 1975 et en 1984, et nous nous acheminons aujourd’hui vers un nouveau vote en séance pleinière avant Thanksgiving.

A l’origine, j’ai soutenu le projet parce que j’étais convaincue qu’il fallait reconnaître et condamner le crime terrible commis contre le peuple arménien. Mais après m’être rendue en Turquie au mois de février, après avoir rencontré le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, le patriarche de l’église orthodoxe arménienne et des collègues de Hrant Dink, le journaliste turc arménien assassiné, j’ai compris qu’en votant une fois encore une résolution maintenant, nous ne ferions qu’isoler et gêner un gouvernement islamique modéré et courageux dans ce qui est peut-être la région la plus instable du monde.

Par conséquent, je me range à l’avis exprimé par huit anciens secrétaires d’Etat américains, qui ont assuré que le vote de cette résolution « pourrait compromettre nos intérêts dans la région en termes de sécurité nationale, menacerait la sécurité de nos troupes en Irak et en Afghanistan, et nos efforts en faveur d’une réconciliation entre la Turquie et l’Arménie ».

La question du moment est essentielle. Il y a quelques jours à peine, j’ai demandé à un responsable de la communauté arménienne de Californie pourquoi la résolution était présentée maintenant. « On ne m’a rien demandé », m’a-t-il répondu. Il n’y était pour rien, et s’il l’avait pu, peut-être n’aurait-il pas insisté pour que le vote intervienne à ce moment-là.

A quoi tout cela va-t-il aboutir ? J’espère que, quel que soit le résultat du vote, la Turquie et l’Arménie œuvreront ensemble à la réconciliation et à la normalisation de leurs relations.

Quelque 70 000 Arméniens vivent en Turquie, et Ankara continue à en accepter d’autres. Mais l’article 301 de la Constitution turque interdit d’insulter la « turquité », clause discutable qui a servi à punir des Arméniens de Turquie qui maintiennent que le génocide a bien eu lieu. Au nom de la réconciliation, Ankara pourrait tendre la main à la population arménienne et supprimer l’article 301.

Par ailleurs, la Turquie et l’Arménie ont engagé depuis peu des pourparlers afin de normaliser leurs relations. Elles ont des intérêts commerciaux communs, en particulier dans le secteur de l’énergie. L’heure du rapprochement a sonné. De plus, la région a besoin de stabilité. La Turquie a une frontière commune avec l’Irak, et il est évident qu’elle doit jouer un grand rôle dans la garantie de la stabilité dans ce pays et dans la résolution de la question israélo-palestinienne. L’Arménie pourrait y contribuer.

Dans une démocratie, les groupes ont le droit de protester, et je respecte assurément le droit de l’importante communauté arménienne de Californie d’exprimer son désaccord avec ma position sur le moment choisi pour un troisième vote du Congrès sur le génocide. Si cette résolution est votée, cette communauté aux multiples talents pourra canaliser sa passion et sa vigueur afin d’aider concrètement à franchir les prochaines étapes constructives menant à la réconciliation. Il est indispensable de condamner l’horreur. Mais s’affranchir de la colère et de la souffrance psychique pour passer à des actions positives, c’est là la véritable émancipation.

Jane Harman

Los Angeles Times

raffi
Author: raffi

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