Le chef de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe a exprimé sa vive préoccupation envers ce qu’il a qualifié de « conflit ouvert » entre le gouvernement arménien et la Cour constitutionnelle et a appelé à un « fonctionnement normal » de la Constitution arménienne.
Dans une déclaration publiée mardi soir, Gianni Buquicchio a déclaré que toutes les branches du gouvernement du pays devraient respecter les « prérogatives, obligations et compétences » des uns et des autres fixées par la loi arménienne.
« Si cela n’est pas fait, si la culture et la maturité démocratiques font défaut, le fonctionnement des institutions de l’État est compromis et le progrès démocratique, civil et économique de la société est compromis », a averti M. Buquicchio.
« J’appelle toutes les parties à faire preuve de retenue, de respect mutuel et de coopération institutionnelle constructive afin de désamorcer cette situation préoccupante et de rétablir le fonctionnement normal de la Constitution arménienne », a-t-il ajouté.
Cette déclaration a été faite quelques heures seulement après qu’un organisme arménien chargé de l’application de la loi a déclaré avoir recueilli suffisamment de preuves pour accuser le président de la Cour constitutionnelle de Hrayr Tovmasian d’abus de pouvoir.
L’annonce de la commission d’enquête est la dernière d’une série de poursuites pénales engagées contre Tovmasian à la suite du rejet par la Cour constitutionnelle, le 15 octobre, de la demande du parlement arménien de remplacer son président.
Tovmasian subit des pressions croissantes de la part des autorités arméniennes qui l’accusent de maintenir des liens avec l’ancien gouvernement du pays renversé lors de la « Révolution de velours » de l’année dernière. Ses avocats affirment que les accusations d’ordre criminelles de la commission d’enquête font partie de la « pression illégale ».
La déclaration soigneusement rédigée par Buquicchio ne mentionnait pas explicitement les poursuites pénales contre Tovmasian. Dans une interview accordée à la chaîne de télévision arménienne Shant mardi, le président de la Commission de Venise a souligné les « pressions » exercées sur le président de la Haute Cour et « de nombreuses procédures » à son encontre. Il a déclaré que Tovmasian devait être respecté, car il dirigeait « l’une des principales institutions de l’État ».
Le ministre de la Justice, Rustam Badasian, a salué mercredi la déclaration de M. Buquicchio et a déclaré que le gouvernement du Premier ministre Nikol Pashinian en tiendra compte. Mais il a aussi dit : « La situation autour de la Cour constitutionnelle n’est pas une question de respect mutuel, mais plutôt le résultat de… l’élection douteuse du président de la Cour constitutionnelle[en mars 2018.] »
Badasian n’a pas nié que le gouvernement souhaite la démission de Tovmasian. À cet égard, il a évoqué la récente diffusion d’un projet de loi du Ministère de la Justice offrant aux membres de la Cour constitutionnelle installés par les anciens gouvernements arméniens des incitations financières à la démission.
« J’attache une grande importance à l’actualisation de la composition de la Cour constitutionnelle », a déclaré le ministre âgé de 28 ans à la presse.
Plus tôt ce mois-ci, la Commission de Venise avait fait part de ses réserves concernant ce projet de loi dans un rapport détaillé sur les réformes judiciaires planifiées par l’administration de Pashinian. La retraite anticipée proposée aux juges des hautes cours ne peut être acceptable que si elle est «strictement volontaire».
« Il serait inacceptable que chaque nouveau gouvernement puisse remplacer les juges en place par des juges nouvellement élus de leur choix », a averti l’organe basé à Strasbourg qui examine les législations des Etats membres du Conseil de l’Europe.
Pendant ce temps, Tovmasian a salué la déclaration de Buquicchio, affirmant que son contenu « découle des intérêts de notre Etat ». « Notre réaction à l’appel de M. Buquicchio est claire : la Cour constitutionnelle réaffirme une fois de plus qu’elle est prête à résoudre la situation existante par le respect mutuel et le dialogue », a-t-il déclaré dans ses commentaires écrits à l’agence de presse Pastinfo.