La Cour constitutionnelle d’Arménie affirme avoir demandé à des experts juridiques du Conseil de l’Europe de donner un « avis consultatif » sur une loi arménienne controversée permettant la confiscation d’actifs réputés avoir été acquis illégalement.
La loi promulguée il y a deux ans permet aux procureurs de demander la confiscation des biens en cas de « motifs suffisants pour soupçonner » que la valeur marchande des propriétés d’un individu dépasse son « revenu légal » d’au moins 50 millions de drams (120 000 dollars).
Les tribunaux arméniens peuvent autoriser la nationalisation de ces biens même si leurs propriétaires ne sont pas reconnus coupables de corruption ou d’autres infractions pénales. Ces derniers devront prouver la légalité de leurs avoirs.
Le Premier ministre Nikol Pachinian a présenté à plusieurs reprises cette mesure comme une mesure anticorruption majeure qui aidera son administration à récupérer les « richesses volées au peuple. » Des personnalités de l’opposition affirment toutefois que M. Pachinian ne fait que planifier une « redistribution des biens » de grande envergure pour consolider son maintien au pouvoir.
En novembre dernier, des législateurs représentant les principales forces d’opposition arméniennes ont demandé à la Cour constitutionnelle de déclarer la loi en question inconstitutionnelle. Ils ont déclaré qu’elle contredisait les articles de la Constitution arménienne garantissant la présomption d’innocence et les droits de propriété.
La Cour ne s’est toujours pas prononcée sur cet appel. Elle a annoncé le 8 juillet qu’elle avait demandé à la Commission de Venise du Conseil de l’Europe un avis juridique sur la question.
Le service de presse de l’organisation basée à Strasbourg a déclaré mardi au service arménien de RFE/RL que la Commission de Venise n’avait pas encore reçu la demande de la plus haute juridiction arménienne.
Ara Ghazarian, expert arménien en droit international, a laissé entendre qu’il est peu probable que la commission recommande une suppression générale de la loi souhaitée par l’opposition.
« Par sa jurisprudence, la Cour européenne [des droits de l’homme] a depuis longtemps donné son feu vert à l’adoption et à l’application de telles lois, affirmant qu’elles ne contredisent pas la Convention européenne [des droits de l’homme] dans son principe », a fait valoir M. Ghazarian. « La Commission de Venise tirera des conclusions dans ce sens ».
Dans le même temps, a-t-il ajouté, la commission pourrait demander de limiter l’application rétroactive de la loi et de rendre plus difficile la saisie des avoirs par les autorités.
À ce jour, les procureurs arméniens ont saisi les tribunaux de 12 affaires de confiscation d’actifs. Ces affaires concernent environ 200 propriétés et véhicules, ainsi que 21 milliards de drams (51 millions de dollars) en espèces appartenant à d’anciens responsables du gouvernement ou des forces de l’ordre et/ou à des membres de leur famille.
Jusqu’à présent, aucune décision de justice n’a été rendue dans ces affaires. Il a été suggéré que les juges chargés de ces affaires ont de sérieux doutes quant à la légalité de la confiscation des biens.
Les procureurs ont également obtenu des injonctions judiciaires gelant un montant comparable d’actifs détenus par 25 autres personnes ou leurs proches. Ces derniers devront également se battre pour leurs propriétés, leurs entreprises et leurs liquidités coûteuses devant les tribunaux.
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