Un verdict contre le cynisme

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FABIO LO VERSO

A ceux qui croient que les tribunaux sont impuissants face au négationnisme, le verdict de Lausanne apporte un cinglant démenti. Les juges ont condamné hier un nationaliste turc venu expressément en Suisse pour déclarer que le génocide arménien était un «mensonge international». La provocation a donné lieu à un procès retentissant. Première mondiale, la condamnation de son auteur – qui connaissait la loi suisse sanctionnant les propos négationnistes – fera jurisprudence. Le manipulateur a perdu son pari. Le fait que la tragédie de 1915 ne figure pas dans la liste des génocides reconnus par une Cour internationale n’en fait pas moins d’elle une «réalité indubitable».

Avec ce verdict, les juges ont cassé d’un seul coup les schémas cyniques qui président à l’établissement de la vérité historique. Pour eux, le génocide arménien est «un fait avéré selon l’opinion suisse». Rarement, les certitudes d’un peuple n’auront aussi manifestement été érigées en parangon de l’objectivité. Le jugement lausannois a quelque chose de révolutionnaire, du moment qu’il refuse que seuls les gouvernements puissent apposer le sceau du vrai sur les faits humains. Il fournit surtout une clé durable pour punir le négationnisme, ce cancer qui empêche le travail de mémoire indispensable pour réconcilier les Etats avec leur passé. Porté dorénavant par la lame de fond de l’indignation publique, le combat pour condamner tous les types de génocides va monter en puissance.

La collision avec les saboteurs du droit antinégationniste est programmée. Et il ne sera pas facile pour Christoph Blocher d’éviter le clash, lui qui cherche à effacer les normes antiracistes suisses. Dans cette affaire, le conseiller fédéral UDC en a appelé à trancher entre la justice et la realpolitik, entre le droit et les relations avec la Turquie, prometteur partenaire commercial. Il a exhorté à choisir entre la vérité et le cynisme, vieux piège d’une politique manipulatrice que le Zurichois pousse à l’extrême.

Le Conseil fédéral restera-t-il l’otage du tribun UDC ou reconnaîtra-t-il enfin le génocide arménien? Pour l’opinion publique suisse, le plus dur commence aussi. Mais il est souhaitable que le verdict rallume un feu jamais éteint. S’il importe que la Turquie puisse faire son travail de mémoire, il est indispensable que la Suisse désarme les manipulateurs de l’histoire et du droit qui prospèrent dans les angles morts de sa démocratie. Après le jugement, il n’y a plus le choix qu’entre une mise à plat sans concession avec les fauteurs de discriminations racistes et la persistance de flambées xénophobes à répétition.

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SUISSE

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Author: raffi

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