Une commission d’enquête confirme le caractère toxique du caviar azéri sur le Conseil de l’Europe

Se Propager
arton31832

Le président azéri Ilham Aliev, au pouvoir depuis 2003, s’est fait triomphalement réélire, sans surprise, pour un 4e mandat, le 11 avril, lors d’élections dont il avait avancé la date de six mois, sans juger utile d’expliquer pourquoi. Peut-être le dictateur azéri, certes assuré de sa victoire, voulait-il avoir les coudées plus franches encore en prenant de court une opposition de toute manière laminée par des décennies de corruption, qui boycottera d’ailleurs le scrutin ; certains experts ont aussi suggéré que dans la perspective d’une relance du processus de négociations autour du Haut Karabagh, il s’était calé sur l’agenda électoral de son voisin et ennemi arménien, où le président sortant Serge Sarkissian devait rester aux commandes, à l’échéance de son mandat, le 9 avril, en qualité de premier ministre. La tournure des événements en Arménie contrarie sans nul doute les projets du président azéri : deux jours après la réélection d’I. Aliev, par 86% des voix, Nikol Pachinian déclenchait le 13 avril sa Révolution de velours qui allait contraindre S. Sarkissian à démissionner du poste de premier ministre le 23 avril, 6 jours seulement après y avoir été élu.

On comprend que le président azéri ait fait le dos rond, pendant toute la durée de cette révolution qui attirait l’attention de la communauté internationale sur l’Arménie, même s’il a été fait état de mouvements de troupes de l’Azerbaïdjan aux abords de l’Arménie et du Haut Karabagh. Une révolution menée au nom de la lutte contre la corruption du pouvoir local et la pauvreté qu’elle est accusée d’engendrer, les même maux endémiques qui frappent de manière bien plus brutale le peuple d’Azerbaïdjan et que le clan Aliev au pouvoir à Bakou recouvre d’un fin vernis de richesses prodiguées par les ventes de pétrole et de gaz, et surtout de la chape de plomb d’une répression qui ne souffre aucune sorte d’opposition et de contestation.

Alors qu’à Erevan, une nouvelle équipe, portée pacifiquement au pouvoir par un vaste mouvement populaire, s’emploie à éradiquer la corruption et à engager plus fermement le pays sur les rails de la démocratisation, à Bakou, I. Aliev conforte, à la faveur d’un simulacre d’élections, son emprise sur un pouvoir qu’il est assuré de conserver jusqu’en 2025, voire au-delà, en vertu d’une réforme de la Constitution, approuvée par référendum en 2009, lui garantissant la présidence à vie. Un pouvoir exercé par un clan qui s’est accaparé les richesses du pays, dont une partie finance sa diplomatie visant à discréditer l’Arménie sur la scène internationale en rétribuant grassement les personnalités, au sein de différentes institutions, comme l’Unesco et surtout le Conseil de l’Europe, pour qu’elles ferment les yeux sur ses violations des droits de l’homme et prennent position en sa faveur dans le conflit l’opposant à Erevan autour du Karabagh.

En septembre 2017, un collectif international de media publiait une vaste enquête sur les réseaux et fonctionnement de cette « diplomatie du caviar », le « landromat », mettant en lumière l’implication de nombreuses personnalités dans le jeu diplomatique corrupteur de Bakou. Particulièrement visé, le Conseil de l’Europe, qui a longtemps fait preuve d’une complaisance coupable envers l’Azerbaïdjan, qui a intégré en janvier 2001, en même temps que l’Arménie, cette instance dédiée à la défense et à la protection des droits de l’homme et de la démocratie, s’était décidé à agir. Son organe législatif, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), avait désigné une commission d’enquête indépendante, constituée de 3 experts – l’ex-juge antiterroriste français Jean Louis Bruguière, le Britannique Nicolas Bratza, ancien président de la Cour européenne des droits de l’homme, et la juriste suédoise Elisabeth Fura – chargés de faire le jour sur les agissements de ces élus européens suspectés d’avoir délibérément ménagé l’Azerbaïdjan, notamment en cautionnant des scrutins toujours frauduleux et en éludant la question des prisonniers politiques, en échange de ses largesses.

Cette initiative marquait un tournant dans l’attitude du Conseil de l’Europe concernant l’Azerbaïdjan, pays membre dont il avait déjà critiqué vivement, en 2016, l’amendement constitutionnel prolongeant de 5 à 7 ans le mandat du président, un tournant que semble confirmer sa réaction au rapport de la Commission d’enquête. Rendu en avril, alors même que le président Aliev se faisait réélire, le rapport de 200 pages, rédigé sur la base de très nombreux témoignages recueillis par les experts, qui précisent qu’ils n’avaient hélas pas les pouvoirs et prérogatives dont jouissent les instances judiciaires enquêtant sur des scandales de corruption de cet ordre, établit que les actes de certains des membres de l’APCE impliqués ont nui gravement et durablement à la crédibilité du Conseil de l’Europe, qui doit répondre du fait que le gouvernement d’un Etat membre -l’Azerbaïdjan- ait cherché à saper et à manipuler, pendant tant d’années, cette institution dédiée à la démocratie. De ce fait, le rapport appelle le Conseil de l’Europe à prendre des mesures immédiates contre les complices et bénéficiaires de la « diplomatie du caviar » qui ont fait du lobbying pour Bakou, soit une dizaine au moins d’élus qui ont trahi le code de conduite de l’institution en en recevant des sommes importantes et autres cadeaux et contre lesquels pèse « un fort soupçon de corruption ».

Le Conseil de l’Europe a annoncé le 16 mai des mesures disciplinaires contre 4 d’entre eux, à commencer par l’Espagnol Pedro Agramunt, qui avait préféré démissionner de la présidence de l’APCE dès le lancement de l’enquête, en octobre 2017,Jordi Xucla, autre parlementaire espagnol, le Roumain Cezar Florin Preda et l’Azerbaïdjanais Samad Seyidov. La sanction reste encore légère, au regard de l’accusation, puisqu’ils se voient priver « temporairement » de certains de leurs droits au sein de l’APCE, comme celui d’exercer un mandat de rapporteur ou d’observateur à une élection, d’exercer la présidence ou la vice-présidence d’une commission, ou de se porter candidat à la présidence de l’Assemblée. Pour avoir joué, selon le rapport d’enquête, un « rôle déterminant » dans l’adoption de décisions « favorables à l’Azerbaïdjan », en sa qualité d’ancien président de l’APCE, P. Agramunt est privé de ces droits pour dix ans, la sanction étant de deux ans pour les autres parlementaires. Au-delà, c’est le crédit de l’Azerbaïdjan qui est un peu plus affecté encore, un crédit dont on espère qu’il ne mesurera plus, du moins au Conseil de l’Europe, à l’aune de ses pétrodollars et de son caviar.

raffi
Author: raffi

La rédaction vous conseille

A lire aussi

Sous la Présidence d’Honneur de M. Nicolas DARAGON, Maire de Valence, Président de l’Agglomération, Vice-Président de La Région, L’UGAB Valence-Agglomération

Le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a de nouveau accusé l’Arménie de ne pas avoir fourni de cartes des

Lors de la séance plénière de l’Assemblée nationale de la semaine prochaine, l’opposition parlementaire, les factions « Hayastan » (Arménie)»

a découvrir

Se connecter

S’inscrire

Réinitialiser le mot de passe

Veuillez saisir votre identifiant ou votre adresse e-mail. Un lien permettant de créer un nouveau mot de passe vous sera envoyé par e-mail.

Retour en haut