Près des trois-quarts des Japonais ignorent la teneur du Procès de Tokyo, ouvert il y a 60 ans, qui a condamné les criminels de guerre nippons, révèle un sondage paru mardi 2 mai 2006 dans le quotidien Asahi.
Selon cette enquête, 70% des personnes interrogées n’ont aucune idée des conclusions du procès (le chiffre monte à 90% pour la tranche d’âge de 20 à 29 ans), à savoir la condamnation à mort et la pendaison de sept chef de guerre japonais.
Ce sondage, réalisé auprès de 3.000 personnes, est publié à la veille du soixantième anniversaire du Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, mis en place à Tokyo par les Alliés, qui a jugé 28 criminels de guerre nippons du 3 mai 1946 au 24 décembre 1948.
Une majorité (51%) de sondés estime que le Japon doit encore s’excuser ou dédommager les victimes de l’Armée impériale nippone pour les exactions commises avant et pendant la Seconde guerre mondiale dans les pays voisins, précise le sondage. 36% considèrent que leur pays a fait le nécessaire.
Mais la moitié approuve les visites controversées du Premier ministre Junichiro Koizumi au sanctuaire patriotique du Yasukuni, où sont enregistrés les noms de 14 criminels de guerre « de classe A » condamnés par les Alliés.
Les Coréens et les Chinois voient en ce lieu une glorification du militarisme du Japon impérial dont ils furent les victimes.
Dans un éditorial, l’Asahi analyse les résultats de son sondage pour s’inquiéter de la montée de l’ignorance des jeunes générations sur l’histoire récente du Japon.
Le quotidien de gauche constate une corrélation entre la méconnaissance de l’Histoire et l’apathie vis-à-vis de la polémique autour du Yasukuni et exhorte les Japonais à confronter leur passé.
La presse nippone s’interroge néanmoins mardi sur la légitimité du Tribunal de Tokyo.
« Il est vrai que le tribunal de Tokyo est sur la sellette », souligne l’Asahi qui consacre chaque jour depuis dimanche 30 avril 2006 deux pages à une rétrospective sur le procès, pendant asiatique de celui de Nuremberg.
« Aucun acte militaire des Alliés, comme par exemple les bombardements atomiques, n’a jamais été remis en cause alors même que les juges ont été désignés par les Alliés », déplore le journal.
La condamnation de quelques criminels de guerre, essentiellement des généraux de l’armée de terre, a permis aux autres responsables, dont l’Empereur Hiro-Hito, d’échapper à la justice, regrette le quotidien.
A droite, le Yomiuri, quotidien à plus fort tirage du Japon, estime que « beaucoup de questions demeurent quant à la légitimité du tribunal de Tokyo » et celle des pays qui l’ont mis en place, notamment l’URSS communiste.
Le journal s’en prend aussi aux anciennes puissances coloniales européennes, notamment la France, qui ont récupéré leurs anciennes colonies asiatiques alors qu’elles qualifiaient d' »actes d’agression » l’invasion japonaise en Asie.