Une parole arménienne en terre sainte

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Devant l’horreur qui oppose les Israéliens aux Palestiniens, reste-il seulement une place pour l’espoir ? Loin des hautes considérations de la diplomatie, d’une spectaculaire impuissance, c’est une simple église, la basilique de la Nativité, qui aura servi de force d’interposition pendant de longues semaines. Bien piètre fortification, à vrai dire, mais qui justifie pleinement sa très haute valeur symbolique en ayant retenu un temps la haine de part et d’autre. Ici, à Bethleem, la folie meurtrière aura dû marquer une pause. Certes, le père Elias Chacour, prêtre palestinien grec-catholique, a entièrement raison de s’indigner que l’on fasse tant de cas d’un monument et si peu des victimes. Comment, demande-t-il, les pierres inertes peuvent-elles suffir à intimider Tsahal alors que tant de pierres vivantes, faites de chair humaine, sont broyées sans relâche ? C’est vrai. Mais, dans la désolation générale, retenons la maigre consolation – puisque c’est la seule ! – que nous offre cette basilique. Image contre image, celle des cadavres palestiniens en décomposition ou des corps israéliens déchiquetés se heurte à ce lieu qui prétend malgré tout, avec sa faiblesse pour seule arme, proclamer un autre message.

Pour tout Arménien, cet entrechoquement prend une valeur particulière. La présence de l’Eglise Apostolique arménienne en Terre Sainte est en effet la seule fenêtre sur le monde dont dispose l’arménité. La République d’Arménie est isolée, enclavée, en proie à une guerre de survie qui n’en finit pas et aux prises avec des difficultés économiques abyssales. La diaspora, elle, s’emploie à préserver de son mieux l’héritage culturel et poursuit son œuvre au service de la reconnaissance du premier génocide du XXe siècle. Deux facteurs qui replient l’Arménien sur lui-même, l’enferment dans une problématique purement nationale et l’empêchent d’avoir un discours de portée universelle. Avec les Lieux Saints, il en va différemment . A travers la blessure d’un moine novice, Armen Sinanian, atteint par une balle israélienne, le peuple arménien tout entier montre son engagement dans la cause de la paix. Depuis le Vème siècle de notre ère, les Arméniens dialoguent, dans le respect mutuel, aussi bien avec les musulmans et les autres communautés chrétiennes qu’avec les Juifs. C’est là la vocation du christianisme : apporter et défendre la paix. C’est là également la vocation de ce petit peuple aux grands principes : s’entendre avec les autres religions, les autres cultures, tout en maintenant ses valeurs propres.

L’Eglise Apostolique est avec ses soeurs latine et grecque orthodoxe l’une des trois gardiennes des Lieux Saints. Cela mérite que tout Arménien s’engage davantage à aider le patriarcat de Jérusalem, qui rencontre mille difficultés pour subsister. Au cœur du chaudron israélo-arabe, les Arméniens ont encore quelque chose à dire, même à leur petite échelle. Quelque chose qui parle au monde entier. Mais cette parole n’est possible que si la présence arménienne se maintient sur cette terre de violence. Pour conserver le lien entre le ciel et la terre, pour réaffirmer la richesse de notre culture du dialogue, pour proclamer que les valeurs héritées de nos pères sont aussi celles de l’avenir, souvenons-nous que Jérusalem, Bethléem, Nazareth sont aussi arméniennes qu’Etchmiadzine ou Erevan. Non pas en terme de souveraineté nationale, car, de ce point de vue-là, elles appartiennent aux Israéliens ou aux Palestiniens. Mais en terme de spiritualité, ce qui n’a aucune valeur de propriété mais engage l’éternité. La blessure d’Armen est la contribution des Arméniens aux souffrances des peuples israélien et palestinien. Que son rétablissement s’accompagne de la paix.

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Author: raffi

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