A l’ombre des sommets enneigés du Caucase, des policiers géorgiens en treillis, kalachnikov sur le dos, montent la garde autour d’un bâtiment fraîchement peint dans la vallée isolée de Kodori.
Les Géorgiens affirment que cet immeuble, qui abrite la nouvelle administration locale, a été la cible en mars 2007 d’un missile tiré depuis un hélicoptère russe qui y a laissé un trou béant et toutes les vitres brisées.
Les dommages ont été réparés mais cette vallée de l’ouest de la Géorgie reste au coeur des tensions entre Tbilissi et Moscou et un foyer potentiel de guerre dans cette région instable.
Alors que les Géorgiens vont élire mercredi leur Parlement, le président Mikheïl Saakachvili présente ces gorges, la seule partie de la province séparatiste d’Abkhazie sous le contrôle de Tbilissi, comme une des grandes réussites de son gouvernement.
Mais les habitants de la vallée vivent dans la crainte d’un conflit armé. « Bien sûr que les gens ont peur », dit Semion Tchketiani, un ouvrier du bâtiment de 41 ans dans le village de Tchkhalta. « La situation est très tendue et nous ne pouvons qu’espérer qu’il n’y aura pas de guerre ».
La Russie, qui soutient les séparatistes abkhazes, a envoyé des centaines de soldats de maintien de la paix supplémentaires début mai en Abkhazie, accusant la Géorgie d’avoir amassé 1.500 hommes et des armements lourds dans la vallée pour se préparer à envahir l’Abkhazie.
La Géorgie dément et la décision russe a suscité des réactions d’inquiétude de la part de l’Union européenne, de l’Otan et des Etats-Unis.
Alors que le gouvernement pro-occidental de Géorgie se rapproche de l’Alliance atlantique dans laquelle il ambitionne de faire entrer son pays, la possibilité d’un conflit fait craindre des conséquences bien au-delà de cette vallée boisée.
La Géorgie a repris cette zone à un chef de guerre local en 2006 et l’a rebaptisée Haute Abkhazie, en faisant le siège du gouvernement abkhaze en exil composé principalement de Géorgiens ayant fui l’Abkhazie pendant la guerre de sécession au début des années 90.
Les gorges abritent quelque 2.300 résidents permanents répartis dans de petits villages. Elles sont très isolées, accessibles par de petites routes tortueuses souvent bloquées par des glissements de terrain ou en avion à travers d’étroits cols.
Un journaliste de l’AFP présent dans la région cette semaine a constaté une importante présence policière mais aucun signe que des troupes y soient amassées.
Armés de fusils et d’armes de poing, policiers et soldats du ministère de l’Intérieur patrouillaient en camionnettes Toyota et en véhicules tout terrain. Aucune présence militaire n’était visible et les habitants affirmaient ne pas avoir vu de troupes du ministère de la Défense.
Selon Sosso Kartchaïdze, le chef de la police locale, il n’y a pas plus de 450 hommes armés dans la région. « Il n’y a pas de soldats ici, seulement des policiers, et certainement pas d’équipements militaires. Toute affirmation contraire est ridicule », a-t-il déclaré.
Le chef du gouvernement abkhaze en exil, Malkhaz Akichbaia, dément aussi. « Cette région était pour ses habitants un cauchemar, elle était dirigée par un groupe de criminels », ajoute-t-il. « Mais depuis que Saakachvili y a pris le pouvoir tout a changé. La situation est bien meilleure, la vie des gens s’améliore ». La Géorgie a investi plus de 20 millions de dollars (13 millions d’euros) dans les infrastructures de la région », dit-il.
« Il ne fait aucun doute que cela va mieux ici », a assuré à l’AFP un habitant tout en refusant d’être nommé. « Mais s’il y a une guerre, c’est nous qui souffrirons ».
