Valmy dans la plaine de l’Ararat

Se Propager
arton98450

Dans le dernier numéro des NAM, un article de Léonid Nersisyan, « Carences et Incuries à tous les niveaux » dresse un bilan accablant de l’état de l’armée arménienne, bilan qui corrobore l’ouvrage du colonel Goya « La Guerre du Karabagh » publié en 2021. L’offensive de septembre et l’impuissance de l’armée arménienne à la juguler ont suscité de nombreux cris d’alarme qui s’adressent tous à la communauté internationale avec le même leitmotiv : l’Arménie est menacée de disparition et les Arméniens de génocide. Pour autant, ces appels aux états étrangers ne devraient-ils pas se doubler d’un appel au sursaut de l’Arménie elle-même ? L’envoi de Casques Bleus sur la ligne de front ne suppose-t-il pas d’abord que les Arméniens prennent eux-mêmes les armes ? Avant même le contribuable français ou belge, n’est-ce pas aux Arméniens de la Diaspora de se mobiliser pour financer des armes à ceux qui sont prêts à les prendre ? En un mot, n’est-ce pas à nous-mêmes que nous devrions adresser nos appels ?
Autant qu’une humiliation, la défaite des Arméniens en 2020 après 44 jours de combat est ressentie comme le signe de notre impuissance. Mais que signifie « résister 44 jours » ? Que nous dit l’Histoire ? Elle nous fournit deux exemples, la guerre franco-allemande de 70, et la Deuxième Guerre mondiale.
Le 19 juillet 1870, la France de Napoléon III déclare la guerre à la Prusse de Bismarck. La France compte 900 000 soldats contre 1 200 000 casques à pointe. Alors que la France mise sur la cavalerie, la Prusse développe son artillerie lourde, les drones de l’époque. Résultat : le 2 septembre, encerclé à Sedan, Napoléon III capitule. La guerre de 70 a duré exactement 44 jours. S’en est suivi une guerre civile, la Commune de Paris, danger que l’Arménie a su intelligemment éviter, malgré les appels à l’insurrection de politiciens sur le retour rêvant de faire de l’Arménie un autre Tatarstan. Malgré cette défaite en 44 jours, et la perte de l’Alsace et de la Lorraine, l’armée française s’est restructurée et quelques cinquante ans plus tard, en 1918, la France l’emportait contre le Reich allemand, démontrant que ce ne sont pas les peuples qui perdent la guerre mais leurs généraux.
La guerre de 39-45 fournit un deuxième exemple. Après la victoire de 1918, la France opte pour une stratégie de défense statique matérialisée par la ligne Maginot. On privilégie l’infanterie au détriment des blindés et de l’aviation. L’Allemagne, en revanche, mise sur une stratégie de mobilité basée sur les tanks et l’aviation. Hitler déclenche son offensive le 10 mai 1940 contre les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France. Le 14 mai, les Pays-Bas capitulent (4 jours de résistance) ; le 28 mai, c’est la Belgique qui hisse le drapeau blanc (18 jours de résistance) ; le 17 juin 1940 le maréchal Pétain appelle l’armée française à déposer les armes (48 jours résistance.) Pourtant la France comptait alors 2,2 millions de combattants face à 1,6 millions de soldats de la Wehrmacht.
Selon le colonel Goya, à la veille de la guerre des 44 jours, l’Arménie comptait 42 000 soldats d’Arménie plus 20 000 de l’Artsakh, soit 62 000 recrues. L’Azerbaïdjan en comptait 67 000, 10% de plus. En revanche, alors que l’Arménie alignait 100 chars T-72 (modèle 1973), Bakou en déployait 450, dont 100 T-90, (modèle 1992), soit 400% en plus. Dans les airs, l’Arménie maintenait 17 avions contre 35 pour Bakou, et 27 hélicoptères contre 46 pour Bakou, le tout suppléé par 30 drones. En 2020, le budget de la défense arménienne était de 538 Million d’€, tandis que celui de l’Azerbaïdjan dépassait les 2 Milliards d’€, soit 4 fois plus. Comparée à celle de la France en 1870 (44 jours) et en 1940 (48 jours), la résistance de 44 jours de l’armée arménienne en 2020, avec des moyens quatre fois inférieurs à celui de son adversaire, relève tout simplement de l’exploit, sinon de l’héroïsme.
Qu’en conclure ? Ce n’est pas la vaillance au combat qui manque au soldat arménien, ce sont les armes. Ce n’est pas la volonté de combattre qui lui fait défaut; ce sont des chefs dignes de ce nom. Ce n’est pas l’aide internationale dont elle a d’abord besoin, car on sait qu’elle ne viendra pas, mais une Diaspora qui contribue financièrement et régulièrement à la guerre, tel un impôt. Un peu partout en Arménie se forment des bataillons de volontaires, prémices d’une armée populaire. Mais, dira-t-on, que peut faire une armée de volontaires ? Que dit l’Histoire. En avril 1792, les monarchies européennes, sous les ordres du duc de Brunswick, réunissent 180 000 hommes pour écraser la Révolution Française. Le 12 juillet 1792, l’Assemblée législative révolutionnaire publie le message suivant : « Français, souffrirez-vous que des hordes étrangères se répandent comme un torrent destructeur sur vos campagnes ! … qu’elles désolent notre patrie par l’incendie et le meurtre ! … Nos armées ne sont point encore portées au complet, … Les recrutements ordonnés n’ont pas eu un succès aussi entier que vos représentants l’avaient espéré. Des troubles intérieurs augmentent la difficulté de notre position ….Citoyens, sauvez la liberté et vengez votre gloire ! L’Assemblée Nationale déclare que la patrie est en danger… » 47 000 citoyens ont répondu à l’appel. C’était la première armée populaire. Deux mois plus tard, le 12 septembre 1792, ces troupes de va-nu-pieds, comme on disait à l’époque, défont l’armée du duc de Brunswick à la bataille de Valmy. Telle est la force d’une armée populaire.
Demain, peut-être, Valmy dans la plaine de l’Ararat. Si on le veut…

René Dzagoyan

La rédaction
Author: La rédaction

Autres opinions

guem
Me HAYTOUG CHAMLIAN
guem
Christophe Masse

Se connecter

S’inscrire

Réinitialiser le mot de passe

Veuillez saisir votre identifiant ou votre adresse e-mail. Un lien permettant de créer un nouveau mot de passe vous sera envoyé par e-mail.

Retour en haut