Les 13 et 14 décembre l’événement était à Lusignan, cité de la Fée Mélusine et patrie des seigneurs de Lusignan où une atmosphère emprunte de recueillement et d’émotion était palpable.
Devant plus de 200 personnes un Khatchkar en l’honneur du dernier roi des Arméniens Léon V et une plaque en granit rouge à la mémoire des anciens combattants et résistants arméniens, ainsi que du génocide des Arméniens ont été dévoilés par le maire de Lusignan René Gibault et par le président de l’association locale Ararat André Valoteau.
Le Khatchkar a reçu la bénédiction de Mgr Norvan Zakarian, du père Gérard Touraynne et du pasteur René Léonian.
A l’invitation de l’ANACRA, Hranouch Hagopian, ministre de la diaspora a déposé une gerbe de fleurs et prononcé un discours, suivie de Viguen Tchitetchian ambassadeur d’Arménie en France, Antoine Bagdikian, Levon Sayan, Frédéric Fringhian, le président du Conseil régional Poitou-Charentes Jean-François Macaire et le député de la Vienne Jean-Michel Clément.
Plus tard dans l’après-midi l’historien Claude Mutafian a donné une conférence sur la dynastie de la Maison Lusignan.
Dans la soirée, après un spectacle de danse proposé par l’ensemble Naïri, Hranouch Hagopian a décoré le maire de Lusignan René Gibault.
Le lendemain dimanche, une messe oecuménique a été célébrée en l’église Notre-Dame et Saint-Junien.
Tous les détails et photos de l’événement dans les Nouvelles d’Arménie Magazine du mois de février.
Jean Eckian
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Discours d’Antoine Bagdikian
1 – Le génocide des Arméniens
Dans cette péninsule qui s’appelle depuis 1923 la Turquie, vivaient depuis des millénaires des Grecs, des Arméniens, des Arabes, des Kurdes, des Assyriens , des Chaldéens..
Puis les hordes seldjoukides et ottomanes déferlèrent et firent tomber Byzance la Chrétienne en 1452.
Alors s’instaura pendant plus de 4 siècles sur toutes les populations chrétiennes dont les Arméniens représentaient une large majorité, le terrible joug ottoman du peuple dominant : la fonction publique et d’autres secteurs leur sont interdit, les enfants mâles sont arrachés des familles chrétiennes,..
L’Europe émue, exerce des pressions répétées sur l’Empire ottoman et signe même des traités dès 1878 pour améliorer le sort des chrétiens mais cela suscite une aversion grandissante et alimente la folie meurtrière du Sultan Abdul Hamid qui provoque le massacre de 300 000 Arméniens de 1894 à 1896.
La classe politique française poussée par un courant arménophile s’indigne et se dresse: Clémenceau s’insurge. Jean Jaurès que je cite : « l’Humanité ne peut pas vivre avec dans sa cave le cadavre du peuple arménien assassiné » Anatole France dont j’ai lu la citation sur la pierre de lave , sont l’honneur de la France. Les pressions s’accentuent sur le sultan : Rien n’y fait, au contraire, les massacres empirent .
Le nouveau gouvernement, dit des Jeunes Turcs, arrache le pouvoir du sultan, suscitant quelques espoirs de réforme avant de sombrer aussi dans la fièvre nationaliste et poursuit le meurtre de 30 000 Arméniens à Adana en 1909.
L’ irritation et la fièvre nationaliste s’emparent du triumvirat Talaat, Enver et Djemal, du Comité Union et Progrès, tracent les premiers plans de destruction massive afin d’en arriver à la constitution d’un pays enfin purifié des éléments non musulmans.
Profitant d’une Europe entrée en guerre en 1914, et se rangeant aux cotés de l’Allemagne qui porte aussi une lourde responsabilité, Talaat, la figure dominante de ce sinistre trio, ordonne la grande rafle du 24 avril 1915 : 600 notables et intellectuels arméniens de Constantinople sont déportés : le signal de l’exécution des Arméniens est lancé à travers l’Empire : 1,5 million d’Arméniens , soit les 2/3 de la population, périrent dans les pires conditions. » Ils sont morts de toutes les morts « rapportera un diplomate !
Dans le même temps, périrent aussi 250 000 Assyro-Chaldéens , 300 000 Grecs Pontiques et 100 000 Syriaques chrétiens. Un gigantesque ethnocide de quelque 2 200 000 de personnes ! La Turquie a éliminer toute sa population chrétienne : de 30% la population chrétienne est passée à 0,01 % ! Et c’est cette Turquie qui frappe à la porte de l’Europe !
2 – Les Arméniens au service de la France
En septembre 1915, une magnifique intervention militaire et humanitaire française : les amiraux Louis Dartige du Fournet et Gabriel Darrieus, n’attendant pas les ordres du ministère de la marine, ordres qui n’arriveront pas, recueillent 4100 Arméniens réfugiés sur la colline du Mussa Dagh, le Mont Moïse, et les sauvent de l’extermination en les convoyant et les déchargeant à Port Saïd, en Egypte, à bord de 5 navires de guerre.
Ce sont ces Arméniens qui, éperdus de reconnaissance, lancent un appel mondial de ralliement à la France. Ils seront la colonne vertébrale de la fameuse Légion d’Orient, appelée plus tard Légion arménienne.
A Paris, en 1917, les Arméniens créent l’Association des Volontaires arméniens, dont nous sommes les héritiers. Une initiative inouïe : à peine arrivés en France, la Arméniens démunis de tout crée une Association et défilent sur les Champs Elysées pour s’enrôler en tant que Volontaires !!On les trouve sur tous les champs de bataille, Artois, Picardie, Champagne , Chemin des Dames.. Nous irons prochainement à Verdun pour honorer les stèles de pierre de VAN et de SIS , placées sur le pourtour de l’Ossuaire de Douaumont par le Président du Sénat Alain Poher en 1973 , à la mémoire des Arméniens morts pour la France.
Sur le deuxième front, en Orient cette fois, les Arméniens se couvrent de gloire sous les ordres de généraux français , le général Gouraud, le général Brémond…pour défendre un protectorat français, la Cilicie, qu’ils pacifièrent en combattant jusqu’en 1920 . Qui pourra prétendre que la France n’a rien à voir avec les Arméniens ?
Hélas, la dissolution brutale de la Légion et le surprenant retrait français laissa les Arméniens sans défense et se traduisit par les massacres de 18 000 Arméniens à Marache et de 15000 à Hadjin….Les survivants prirent le chemin de l’exil en 1920.
Sous la présidence de Mustapha Kemal Atatürk , la République turque est créée en 1923 qui paracheva le travail de ses prédécesseurs en poursuivant l’éradication des Chrétiens avec de nouvelles mesures discriminatoires telles que des impôts racistes de plus de 230 % pour les Arméniens, de 180 % pour les Juifs, 160 % pour les Grecs contre 5 % pour les Turcs ! Ainsi , s’amorça le dernier exode massif des Arméniens survivants .
Sans même que leurs droits soient reconnus, et sans même être citoyen français, les Arméniens continuèrent leur combat pendant le 2ème conflit mondial dans la Résistance avec le fameux épisode de Missak Manouchian et ses 22 compagnons de la célèbre Affiche rouge, fusillés au Mont Valérien.
Voilà, Mesdames et Messieurs, chers amis, la raison pour laquelle, peut être, notre association a été convié ce jour de l’inauguration du Khatchkar à rappeler à la fois la sombre tragédie du génocide des Arméniens, mais aussi les heures de gloire de tous ces combattants et résistants, la gloire de Manouchian et de tous les autres, qui sont morts pour la grandeur de la France.
C’est pour cela que l’ANACRA a offert cette plaque en granit rouge reprenant ces deux symboles ainsi que le panneau descriptif dont je lirai la magnifique citation d’Anatole France : « Nous louons l’Arménie de cet invincible amour qui l’attache à notre civilisation. Car l’Arménie est unie à nous par des liens de famille, et elle prolonge en Orient le génie latin. Plus de 500 000 Arméniens sont morts pour notre cause et notre nom sur les lèvres » .
Monsieur le Maire, vous nous avez fait l’honneur de cette belle cérémonie : je crois que les Arméniens l’ont bien mérité !
Plaque en Pierre de lave : cliquer sur l’image pour agrandir
