Yektan Turkyilmaz, l’étudiant turc qui a passé deux mois en prison en Arménie après avoir tenté d’exporter des livres anciens, a déclaré qu’il estimait avoir été arrêté parce que l’agence de sécurité arménienne le soupçonnait d’espionnage.
Dans une interview publiée jeudi par le site internet de l’université américaine de Duke où il étudie, Yektan Turkyilmaz affirme que la raison principale de son arrestation en juin ne concerne pas les livres rares qu’il voulait ramener en Turquie.Selon lui, le service de sécurité national (SSN), qui a succédé à la branche arménienne du KGB, a utilisé ces livres comme un prétexte pour le maintenir en détention sans avoir à prouver qu’il était un espion turc.
» Je suis allé cinq fois en Arménie et je n’ai jamais rencontré de problèmes, a expliqué l’étudiant de 33 ans. Mais les personnes qui m’ont arrêté semblaient avoir d’autres motivations et n’ont pas cessé de me poser des questions sur mes opinions politiques. Elles n’avaient pas l’air de comprendre ce qui signifiait être étudiant et pourquoi je poursuivais des recherches. Initialement, ils ont pensé que j’étais un espion, mais, bien sûr, il n’y avait aucune preuve « .
Des sources proches de l’affaire avaient déjà déclarées que les enquêteurs du SSN soupçonnaient Turkyilmaz d’espionnage avant l’histoire des livres. Le fait que Turkyilmaz ait été poursuivi selon un article du Code pénal qui prévoit entre quatre et huit ans d’emprisonnement pour contrebande d’artefacts culturels ou d’armes de destruction massive donne du poids à cette théorie. Mais l’agence n’a toujours pas commenté ces versions des faits.
Il est rare en Arménie que des individus accusés d’avoir violé les formalités de douanes finissent en prison. Comme il est extrêmement rare que des enquêteurs du SSN soient impliquées dans ce genre d’affaires.
Durant les deux mois qui ont précédé le procès de l’étudiant, les officiers du SSN ont interrogé plusieurs amis ou connaissances de Turkyilmaz. Certains d’entre eux ont souligné qu’aucune question n’avait porté sur les 90 livres anciens qu’il tentait de rapporter en Turquie.
Selon la loi arménienne, une autorisation écrite du ministère de la Culture est nécessaire pour exporter des livres de plus de 50 ans. Turkyilmaz a toujours affirmé ne pas avoir été au courant de cette procédure, récemment adoptée. » Je ne connaissais pas cette loi. Personne ne la connaît, pas même les libraires, a souligné l’étudiant. Toute cette histoire à propos des livres était juste un prétexte « .
Il avait été, en mai dernier, le premier citoyen turc a obtenir l’autorisation de se rendre aux archives nationales arméniennes afin d’y faire des recherches sur le génocide arménien. Et il est l’un des rares chercheurs turcs à remettre ouvertement en question la position officielle d’Ankara concernant ces évènements de 1915.
Turkyilmaz avait finalement été libéré le 16 août par la cour d’Erevan. Il a rejoint les Etats-Unis le 2 septembre évitant de faire escale en Turquie. Il craignait apparemment être détenu et interrogé par les officiers turcs.
« Ce qui est marrant, c’est qu’il y a des officiels arméniens qui ne veulent pas que je fasse de recherches en Arménie et des Turcs qui ne veulent pas que je parle du génocide. J’espère cependant que cet incident permettra de resserrer les liens entre les étudiants arméniens et turcs afin qu’ils discutent des questions douloureuses de l’Histoire « , a déclaré Turkyilmaz.
